IVG
2 – Grossesse et rejet du handicap, trois femmes témoignent
[Charlotte Colson, 39 ans, Tarn-et-Garonne] Alors que le droit à l’avortement vient d’être gravé dans la Constitution, trois femmes ont accepté de témoigner sur les pressions exercées et les peurs ressenties au cours de leur grossesse, pour ne pas garder leur enfant porteur de handicap ou de malformation. Alors que l’accueil d’une trisomie 18, d’un polyhandicap ou d’un syndrome rare les fait passer pour « inconscientes », ces mères éveillent les consciences à la différence.
« Je me sens jugée, manipulée, sans cesse obligée de me justifier »
Charlotte Colson, 39 ans, Tarn-et-Garonne
« Vous avez 48h pour nous dire si vous voulez cette interruption médicale de grossesse (IMG) », m’annonce la gynécologue au quatrième mois de grossesse alors que la naissance de mon enfant est prévue début juin 2024. Cette phrase, jetée en dix minutes dans un bureau, me transperce. Je suis enceinte de quatre mois et les résultats de la prise de sang pour le dépistage de la trisomie sont mauvais. Personne ne précise que l’IMG peut se pratiquer jusqu’à la fin de la grossesse en cas de handicap. Je suis oppressée. Pourquoi deux jours ?
Je décide d’attendre l’amniocentèse à Toulouse, pour prendre une décision avec mon mari. Elle doit avoir lieu un mois plus tard, sans que personne n’évoque les risques d’accouchement prématuré, potentiellement déclenché par l’examen.
Deux semaines avant la ponction de liquide amniotique, je débute tout de même un cours de préparation à l’accouchement avec ma sage-femme habituelle. « Accueillir cet enfant n’est pas raisonnable, m’alerte-t-elle, sans que je lui demande un quelconque avis. Votre dernier a 18 mois, votre fille de 7 ans est épileptique. Pensez à votre bien-être. » Je suis ébranlée, car, malgré son handicap potentiel, je commence à m’attacher à ce petit bébé surprise. Et puis, je me sens jugée, manipulée, sans cesse obligée de me justifier. Où est ma liberté si on ne me propose que l’IMG ?
À cinq mois de grossesse, je fais l’amniocentèse. On m’annonce que je recevrai les résultats un mois plus tard. Entretemps, mon mari consulte notre médecin traitant qui lui dresse un tableau sinistre de notre bébé. Il aurait parlé de « boulet de la société » et proposé que lui-même prenne rendez-vous, pour nous, afin de fixer l’interruption de grossesse « au plus vite ». J’ai l’impression qu’il nous considère comme des gosses inconscients, incapables de prendre une décision par nous-mêmes.
Aujourd’hui, à presque sept mois de grossesse, je n’ai toujours pas reçu les résultats complets de l’amniocentèse, mais on sait que notre petit souffre de cardiopathie. Le service de cardiologie de Toulouse nous accompagne avec beaucoup de bienveillance.
Témoignage recueilli par Emmanuelle Ollivry, 15 mars 2024
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