Dossier
« À l’annonce de mon adoption, j’ai éprouvé de la fierté »

Née sous X en France, Lisa Chachuat, jeune juriste de 30 ans, a été abandonnée en raison de son handicap, une forme de nanisme. Dans le prolongement du dossier spécial d’Ombres & Lumière consacré à l’adoption, elle témoigne de sa gratitude pour ses parents adoptifs.
Je m’appelle Liza, j’ai 30 ans, et j’ai été abandonnée à la naissance en raison de mon handicap. Aujourd’hui, je peux dire que je suis fière de mon histoire d’adoption. Envoyée à l’association « Emmanuel SOS Adoption », j’ai été accueillie d’abord provisoirement par une famille, pour une durée de trois mois, délai pendant lequel ma mère biologique pouvait se rétracter. Comme aucune famille ne se proposait pour m’adopter, on a demandé à ma famille d’accueil si elle pouvait me garder un peu plus longtemps… De leur côté, mes parents avaient très vite pensé : « Mais on ne pourra jamais la rendre ! ». Quand ma mère a interrogé ma fratrie sur mon éventuelle adoption, ils ont réagi ainsi : « Mais maman, si tu la laisses repartir, ce sera un deuxième abandon ! » Ils étaient tous d’accord pour que j’intègre leur famille.
Mes parents adoptifs n’étaient pas forcément prédisposés à adopter : ils avaient déjà trois grands enfants et ne s’imaginaient pas repartir dans l’éducation d’un nouvel enfant. Adopter n’était pas du tout leur projet de vie, mais ils se sont laissé faire par les circonstances.
Vers l’âge de 5 ou 6 ans, j’ai su que j’avais été adoptée. Mes parents s’étaient dit qu’il était temps de me dire la vérité. À cette époque, je leur posais souvent des questions : eux avaient les yeux bleus, et moi marron ! Et puis j’avais conscience de l’environnement dans lequel ils vivaient, car ils étaient proches de l’œuvre Emmanuel SOS Adoption, bâtie par Jean et Lucette Alingrin (voir A cœur ouvert, dans le dossier Ombres & Lumière sur l’adoption). Dès l’annonce de mon adoption, j’ai éprouvé de la fierté. J’étais si heureuse, d’autant que je me suis toujours sentie bien acceptée. J’avais conscience d’avoir une belle histoire. Plus tard, lors de trajets en compagnie de mon père, je lui demandais souvent avec insistance : « Raconte-moi mon histoire, comment ça s’est passé… » Écouter ma propre histoire m’a toujours tellement portée !
A la recherche des mes origines
La question de mes origines s’est posée à moi de manière plus forte et m’a tourmentée au moment de l’adolescence : j’ai voulu chercher ma mère biologique, et suis allée trouver une psychologue pour en parler avec elle. Cela m’a beaucoup aidé. Je m’imaginais que ma mère biologique voudrait forcément me rencontrer. Or, la psychologue m’a prévenue : « Peut-être que les choses ne se passeront pas comme vous imaginez. » Une fois majeure, j’ai réussi à obtenir un contact avec ma mère biologique, et j’ai tenté de faire un pas vers elle. Mais celle-ci a effectivement refusé de me voir.
Le travail que j’ai eu à faire a davantage été d’accepter ce refus de ma mère biologique, que l’adoption elle-même, car j’ai toujours trouvé que mon histoire était belle : j’avais été mise dans des bras pour un placement provisoire, et les choses se sont faites comme naturellement. Quand on part de zéro et qu’on n’a rien, c’est une chance. Je considère mes parents adoptifs comme mes parents à part entière : j’ai une grande reconnaissance vis-à-vis d’eux. Je me dis souvent que les choses auraient été différentes si ma mère biologique m’avait gardée. Celle-ci n’aurait peut-être pas eu la capacité de faire face à mon handicap. Elle n’aurait peut-être pas eu les épaules pour m’élever comme une autre enfant.
Le fait d’avoir été abandonné à cause de mon handicap reste quelque chose d’un peu compliqué, et me pose des questions pour ma vie future. Cela impacte forcément l’image que j’ai de moi-même, même si, avec le temps, j’accepte. Mais ce n’est pas facile de voir la réalité en face. Si je devais donner naissance à mon tour un enfant de petite taille, est-ce qu’au fond de moi, je ne me poserais pas la même question que ma mère biologique ?
Avec mes parents, je me suis toujours sentie en confiance pour évoquer mon handicap : je me confiais à eux quand je sentais que les choses n’allaient pas. Le jour où j’ai subi des moqueries, des railleries à l’école par rapport à ma taille, ils ont à la fois réglé le problème avec la direction, et pris le temps de me faire comprendre que j’étais quelqu’un comme les autres.
Mes parents ont toujours suscité le dialogue. Ce sont eux qui m’ont conseillé de consulter un psychologue, des personnes extérieures à la famille, par exemple quand j’ai eu des maux de ventre importants. Me faire aider par d’autres m’a fait voir les choses sous un autre angle.
Ce qui m’a vraiment aidé à grandir, c’est qu’il n’y a jamais eu de différence faite entre les autres et moi. La manière dont j’ai été accueillie, élevée et aimée, m’a donné de la force. Aux yeux de mes parents, je n’ai jamais été plus faible que les autres. »
Recueilli par Marilyne Chaumont, ombresetlumiere.fr – 27 avril 2023
A lire, le dossier « L’adoption, un choix courageux ? », Ombres & Lumière n° 253 (mai-juin 2023).