Cinéma
Au cinéma, l’audiodescription avance à bas bruit
Le Marius – le pendant du « César » au cinéma – a décerné, ce 21 février, le prix de la meilleure audiodescription 2023 au long-métrage Le Règne animal. Cette technique, de plus en plus proposée sur les plateformes vidéo, l’est encore trop peu dans les cinémas.
« Une bonne audiodescription est une vraie ligne de crête : il faut flirter entre le dit et le non-dit ! aime décrire Arthur, jeune homme déficient visuel. En fait, c’est celle qui donne suffisamment d’information, sans trop en dévoiler non plus. » Ce Lillois de 31 ans fait partie depuis quatre ans du jury du Marius. Ce prix est décerné par la Confédération française pour la promotion sociale des aveugles et amblyopes), en partenariat avec l’association apiDV (Accompagner, Promouvoir, Intégrer les Déficients Visuels) et distingue les meilleures audiodescriptions de longs-métrages. Le 21 février, il a été attribué au film Le Règne animal de Thomas Cailley.
« La voix de l’audiodescription ne doit pas trop dominer, le niveau de langage doit correspondre à celui du film, précise ce dernier. Les descriptions sont souvent glissées sur des temps musicaux ou de silence, « mais certains silences sont signifiants, poursuit celui qui est aussi vice-président du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH). On apprécie les savourer. »
Mais dans la pratique, de nombreux freins subsistent. « Parfois, on arrive dans un cinéma et, il n’y a plus de casques à disposition ou l’audiodescription ne fonctionne pas… », déplore Arthur qui rêverait d’une « application » pour « centraliser » toutes les audiodescriptions et qu’il suffirait de charger chez soi avant de se rendre à sa séance de cinéma. Lors de la soirée de remise de prix du Marius, Dominique Boutonnant, président du Centre national du cinéma (CNC) a en effet précisé que 36% des salles du parc français sont équipées pour diffuser des films en audiodescription. Sur 645 films sortis en 2023, la moitié était audiodécrits et sous-titrés.
Pour l’heure, Arthur préfère donc voir des films sur des plateformes vidéo à la demande : « Et si je suis avec des amis, je glisse une oreillette pour suivre avec eux, sans les gêner ! » Carolina, Toulousaine et malvoyante, opte aussi souvent pour ce choix : « La plateforme Netflix s’y met de plus en plus, j’en suis heureuse ! En revanche, pour les séries américaines, l’audiodescription n’est pas toujours proposée en français et je n’ai pas un niveau d’anglais suffisant pour suivre correctement… »
La trentenaire aime aller de temps en temps au cinéma, « mais n’ai jamais compris comment activer l’audiodescription, se désole-t-elle. Quand il y a quelqu’un à l’accueil – ce qui devient rare puisque presque tout se fait par des bornes – je demande et on me dit de le faire avec mon téléphone mais ça ne fonctionne pas… Il y a un manque d’information sur ce sujet. Mais ça me rendrait bien service de savoir comment faire, car, pour le moment ce sont mes amis qui me font le descriptif des images quand il y a trop de silence. »
Guillemette de Préval, ombresetlumiere.fr – 22 février 2024