Chroniques

Courants contraires

une femme se baignant dans une rivière
© Adobe Stock.

Je suis allée me baigner dans le Cher. Petit week-end de vacances après les vacances, plongée dans le bonheur après l’apnée de la rentrée.

C’est une baignade à la sauvage, avec quelques amis, de la famille, beaucoup d’enfants joyeux. La rive est pentue et le fond, bourré de cailloux. Je suis obligée d’y aller franchement si je veux y aller gaîment ! Des bras vigoureux se tendent pour m’aider… mais je glisse… je me sens maladroite et gauche sous le regard interrogatif des plus jeunes. Et voilà le venin de la honte qui commence à me mordre le cœur. En une fraction de seconde, un choix violent se présente à moi : est-ce que je baisse le regard pour disparaître ? Ou est-ce que je regarde la vérité en face, celle de mon corps qui ne fait pas toujours bonne figure ? Mon choix est fait : ce corps blessé, c’est le mien. Je vais l’aimer, l’aimer comme il est. C’est la vie et je choisis la vie. Mais que c’est dur !

Après quelques brasses en regardant le ciel bleu de fin d’été, me laissant porter par le courant, je sens mon équilibre intérieur qui revient. La nature est si belle et je me sens si bien au milieu d’elle.

De retour sur la terre ferme, je vais m’asseoir à l’ombre d’un bel arbre. Je suis bientôt rejointe par un de mes neveux. A-t-il saisi la tempête aussi brève que violente que je viens de traverser ? Il s’assoit tranquillement à côté de moi, et vient me parler simplement de ce qui l’habite. Moment de confiance rare. Moment de complicité qui restaure.

Nos âmes sont comme le Cher un soir d’été, traversées de courants invisibles et quelquefois contraires. Bénis soient ceux qui, par leur confiance, nous aident à en saisir toute la puissance et la beauté, malgré la dureté des cailloux.

Cécile Gandon, ombresetlumiere.fr – 18 septembre 2023

portrait de Cécile Gandon

Porteuse d’un handicap moteur, Cécile Gandon travaille dans l’associatif. Elle vient de publier « Corps fragile, cœur vivant » (Emmanuel).

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