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Avec des avancées majeures, l’AFM-Téléthon renforce sa légitimité

Alors que la campagne de collecte du Téléthon bat son plein vendredi 29 et samedi 30 novembre, la guérison de deux fillettes atteintes d’amyotrophie spinale illustre l’accomplissement de trente ans de recherche pour les maladies rares.

« La recherche a sauvé mes filles mais il reste tant de maladies à battre. » L’affiche du Téléthon 2024 dévoile un père au sourire immense, avec ses deux jumelles sur les genoux. Grâce à un diagnostic réalisé juste après la naissance, celles-ci ont pu être traitées avant l’apparition des symptômes de l’amyotrophie spinale, alors que seulement deux régions de France le permettaient « ceci grâce à l’argent récolté par le Téléthon », note Benoît Rengade, vice-président d’une des plus grosses associations de parents, créée en 1987 par deux pères de garçons atteints de la myopathie de Duchenne, et qui a déployé un laboratoire associatif, le Généthon. « Sans ce médicament de thérapie génique donné avant l’apparition des symptômes, ces fillettes auraient pu être traitées à sept mois, mais elles auraient alors eu un handicap toute leur vie : là, elles ont été traitées à trois semaines de vie. » Il y a peu de temps encore, cette maladie était le plus souvent mortelle avant l’âge de 18 mois. De fait, les médicaments s’adressent aux mécanismes génétiques de la maladie, et en modifient fondamentalement le cours.

C’est d’abord une joie de voir que la recherche, qui a démarré il y a près de trente ans, aboutit à des progrès assez spectaculaires.

Louis Bouffard, porte-parole des AFC, atteint de la myopathie de Duchenne

En parallèle, alors que la campagne 2024 de l’AFM-Téléthon réveille la générosité des Français et l’élan populaire comme chaque année en novembre, avec des milliers de bénévoles, les médias braquent les projecteurs sur le profil du jeune Sacha, ambassadeur de cette édition, dont la force musculaire des jambes est revenue grâce à la thérapie génique : il renvoie un message extrêmement fort aux personnes atteintes de la myopathie de Duchenne, cette maladie génétique qui provoque la destruction progressive des muscles et qu’on disait jusqu’à présent incurable. « Quand j’ai appris les effets sur Sacha qui a pu bénéficier de cet essai, cela a été d’abord une joie, de voir que la recherche qui a démarré il y a près de trente ans aboutit à des progrès assez spectaculaires, avance Louis Bouffard, atteint de la myopathie de Duchenne, porte-parole des Associations familiales catholiques et conférencier.

Quant à Antoine Durand, entrepreneur très actif dans le champ du handicap, il se dit lui aussi impressionné par « les vraies avancées des dernières années ». Embarqué dans le Téléthon avec sa famille depuis les années 1990, il assistait chaque année, dans son village familial, à la mobilisation autour d’eux d’une centaine de bénévoles. L’homme, très impliqué sur le plan politique, militant, et économique, confirme la légitimité de l’association alors que la surmédiatisation des malades a pu être décriée. « Je comprends qu’il y ait pu avoir des points de vue sur le fait que le Téléthon ait pu avoir un côté ‘voyeuriste’, mais quand on est parents, qu’il n’y a rien qui existe, qu’on est seul face au handicap, on essaie de faire tout ce que l’on peut », avance-t-il. « Or l’AFM a représenté un vrai poids pour mobiliser les collectivités et la recherche publique. Si la France est devenue un leader sur ce secteur, c’est grâce à cette énergie très forte que j’ai perçu et vécu depuis toutes ces années. »

Alors que le biologiste Jacques Testard, père du premier bébé éprouvette, avait sévèrement critiqué en 2019 une méthode « ni démocratique, ni scientifique », les polémiques reculent devant l’émulation bénéfique de la recherche. Benoît Rengade, le vice-président de l’AFM également père d’un jeune atteint de la myopathie de Duchenne, affirme avoir eu « un uppercut à l’estomac » en voyant les effets de la thérapie génique sur le jeune Sacha, et s’en tient aux faits : « Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’on sauve réellement des vies, que l’on arrive à traiter des maladies rares et ultra-rares, souligne-t-il. Il y a pu avoir des procès à notre égard, par des personnes pas toujours bien formées, par exemple sur le diagnostic qui pourrait virer à l’eugénisme, alors même que le diagnostic néonatal pour l’amyotrophie spinale a une visée thérapeutique ». Et de reprendre l’exemple des deux jumelles de l’affiche de cette année, dont l’anomalie génétique a été signalée aux parents par un appel du médecin, très peu de temps après la naissance, grâce au diagnostic précoce.

La prochaine étape, c’est d’arriver à faire en sorte que la thérapie soit abordable.

Benoît Rengade, vice-président de l’AFM-Téléthon

Louis Bouffard reconnaît la portée du Téléthon, qui a su mettre un coup de projecteur puissant sur « de nombreuses maladies rares au-delà de la myopathie (voir ci-dessous), alors qu’il y a encore tant à faire dans le champ de la recherche ». Reconnaissant à l’AFM d’avoir su aiguiller sa famille au moment de la découverte de sa myopathie, il n’évoque que peu les polémiques anciennes tout en appelant à rester « vigilant » sur deux points- « que la recherche reste toujours au service de l’homme et de la vie » (1), et que l’attention soit portée face à l’« égalité » des chances » face aux traitements. « Aujourd’hui, la recherche a un coût démesuré pour les 7000 myopathes que nous sommes, souligne le jeune homme, et il ne faut pas négliger les inégalités et injustices à travers le monde, pour s’attacher à ce qu’elle aille dans le sens d’un bien commun partagé -en ce sens, il faudrait peut-être créer un patrimoine immatériel de la recherche ».

 Le Téléthon ce n’est seulement ce que les gens voient à la télévision, c’est beaucoup d’autres choses moins médiatisées, mais vitales pour le bien des personnes.

Antoine Durand, entrepreneur et militant, atteint de la myopathie de Duchenne.

De fait, Benoît Rengade reconnaît que pour le moment, si la thérapie génique commence à faire ses preuves sur un nombre accru de pathologies, les coûts restent énormes. « Une année de Téléthon ne finance même pas un essai clinique », note-t-il, mais tous les efforts des chercheurs sont tendus vers une « plus grande efficacité ». « La prochaine étape, évoque l’administrateur, c’est d’arriver à faire en sorte que la thérapie soit abordable, c’est même le challenge de toute la communauté scientifique : passer de 1 à 100 en efficacité de production pour traitement en masse de manière fiable ». Antoine Durand, lui, a justement rejoint le groupe de travail de l’AFM sur la question de l’accessibilité des médicaments. « Nous travaillons à la stratégie à adopter avec les acteurs publics pour faire avancer les choses. » La capacité de mobiliser de l’AFM a eu poids réel pour mobiliser la recherche publique – et la France est ainsi devenu un leader de ces marchés-là. »

 « Le Téléthon ce n’est seulement ce que les gens voient à la télévision, ajoute Antoine Durand, c’est beaucoup d’autres choses moins médiatisées, mais vitales pour le bien des personnes. C’est précieux aur la défense des droits ou l’aide à la personne par exemple, pour quelqu’un comme moi qui habite en région où il y a peu de personnel, comme pour mes parents qui n’ont aucun autre soutien.» Antoine Durand n’a qu’un léger sentiment de frustration face à la levée d’espoir pour les autres malades. « Je suis passé un peu à côté de ces progrès, puisque des muscles déjà abîmés comme les miens sont beaucoup plus difficile à réparer, dit-il. Pour moi, je me dis heureux, car j’ai les moyens de mener une vie qui me plait, et s’il n’y a pas de guérison pour moi-même, je me réjouis surtout que les plus jeunes puissent bénéficier de ces avancées. »

Marilyne Chaumont – 29 novembre 2024

(1) Des questions éthiques demeurent ouvertes concernant l’usage de cellules souches embryonnaires.

Quelques chiffres

-40 essais cliniques financés par le Téléthon sont en préparation ou en cours, pour 33 pathologies différentes, toutes rares. Une douzaine d’entre eux sont mises en œuvre par son laboratoire associatif Généthon, les autres par des partenaires.

-Depuis ses débuts, 3900 essais de thérapies géniques, dont 2/3 sur des cancers, ont été réalisés par les avancées conquises par l’AFM, notamment grâce à la cartographie du génome et le développement de la thérapie génique mise en œuvre sur des maladies de plus en plus complexes.

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