Une vie de maman
Bonjour, ça va ?
Bonjour ça va ? Bonjour comment vas-tu ?
Comme ci, comme ci, comme ça. Comme le dit la chanson.
Peu de personnes imaginent ou souhaitent entendre une réponse négative, et pourtant, certains jours, rien ne va. Je suis épuisée, douloureuse, triste, et si on me demande comment ça va : ça ne va pas !
Et c’est la vérité. Ça ne va pas. J’aurais bien besoin qu’on s’en rende compte, ou qu’on l’entende au moins. J’aurais bien besoin que ma peine, mes difficultés, ce que je vis avec ma fille polyhandicapée, ne soient pas niés. Certains jours, c’est dur. C’est la réalité d’une mère de famille, qui, en plus de ses quatre enfants, a une grande fille polyhandicapée ; une mère qui ne dort pas depuis vingt-sept ans, qui cherche depuis vingt-sept ans tous les moyens de l’aider à grandir le mieux possible et à être la plus heureuse possible, qui s’inquiète pour elle ou pour un autre de ses enfants, même grand ; qui a mal partout, après avoir beaucoup porté, habillé, déshabillé, changé les couches, douché, porté, nourri, pris des centaines de rendez-vous, être allée à l’hôpital jusqu’à l’overdose…
Marie Océane n’est plus un bébé, ni un enfant de 3 ans, et je n’ai plus 20 ans, ni 30, ni 40, ni 50. Je vieillis. Je vieillis même plus vite que les autres, c’est indéniable. Je vous rassure, rares sont les jours où je ne peux vraiment pas répondre « tout va bien », mais cela m’arrive, comme tout le monde en fait.
Sachons entendre le « ça ne va pas », même si nous ne savons pas quoi dire, quoi répondre. Écoutons simplement. Cela permet à la personne qui souffre d’aller déjà mieux. Ne cherchons pas une solution pour elle, mais écoutons-la, prenons-la dans nos bras. Invitons-la à déjeuner ou allons chez elle, avec un panier-repas tout prêt. Envoyons-lui un petit mot, un sms – c’est vite fait -, pour lui dire que nous pensons à elle. La solitude reste la pire compagne dans une situation difficile. Par nos petits actes, signifions à la personne qu’elle n’est pas seule, et que nous mesurons combien c’est dur, parfois. Demander « que puis-je faire pour toi ? », c’est un premier pas vers la consolation.
Recevoir et donner ces petits gestes, c’est valable pour nous tous : on n’a pas besoin d’avoir un enfant handicapé pour être entendu, consolé, ou pour entendre et consoler ; pour soulager une peine, ou être reconnu dans la sienne.
Et si, ce jour-là, on n’a vraiment pas du tout envie de compatir, alors contentons-nous d’un bonjour, sans demander, par habitude, si ça va. Ça simplifiera tout.
Caroline Saillet, ombresetlumiere.fr – 30 octobre 2023
Psychomotricienne par vocation, Caroline Saillet a toujours été proche des personnes porteuses de handicap. Mariée à Hubert Saillet, notre ancien chroniqueur, elle est mère de cinq enfants, dont Marie Océane, polyhandicapée. Bricoleuse, créative, un peu hyperactive, elle dévoile des recoins du quotidien et des réflexions sur le polyhandicap en partant de son expérience.