Chrysalide

un papillon
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Récemment, nous avons pu apprécier sur les réseaux une jolie vidéo de Klapish commanditée par l’Opéra de Paris, en remerciement aux soignants. Sur un extrait musical de Roméo et Juliette, de Prokofiev, on y voit les danseurs dans leur quotidien de confinés. Un homme se muscle avec ses enfants sur le dos, une jeune étoile fait des entrechats dans sa cuisine au milieu des casseroles…

J’ai trouvé cela merveilleux. Et pourtant, pas de costumes. Pas de décors. Pas de paillettes.  C’est la danse brute, sans illusion, l’exercice à l’état pur, dans le cadre simple du quotidien. Mais ce qui m’émerveille, c’est que la beauté demeure. J’aime voir les corps qui se meuvent dans l’espace presque comme des plumes,  le jeu des entrechats et des grands jetés, et la beauté de la musique qui, même dans ces conditions inédites, est comme l’écrin du mouvement.

Curieusement, à ce moment-là, j’ai eu le sentiment de vivre par procuration.

Je suis là comme la chenille devant le papillon : je me retrouve dans l’effort fourni par les danseurs, l’effet en moins. Je sais le prix des étirements et de la discipline qu’il faut imposer à son corps, si l’on veut aller plus loin… Même si le « plus loin », pour moi, n’est pas un envol mais simplement l’espérance d’un mieux-être.

L’art de la danse me parle de ce dialogue constant entre force et douceur qui est mon quotidien.

Le handicap est une réalité dure. Nos muscles sont durs, nos mouvements sont brusques, et nous sommes des écorchés vifs. Il y a sans cesse à assouplir, à adoucir, à attendrir aussi, peut-être.

La douceur est cachée mais elle est bien là, sous la chrysalide de nos peaux et de nos cœurs meurtris. Je me dis que l’envol du papillon, pour nous, est intérieur.

Cécile Gandon, ombresetlumiere.fr – 23 juin 2020

Porteuse d’un handicap moteur, Cécile Gandon travaille dans l’associatif. Elle est l’auteur de « Timéo et sa drôle de famille » (Téqui).

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