Un pas de biais

Comme l’oiseau

un oiseau s'échappe d'une cage.
© Istock.

Grande salle de séjour aux murs immaculés, canapés confortables, lumière du jour coulant à flots à travers de grandes baies vitrées, calme du jardin et de la belle nature environnante : j’ai eu la chance d’être accueillie par de très bons amis, dans une très belle maison.

Après la difficile semaine que je venais de traverser, j’en aurais pleuré. J’ai mis du temps à comprendre que tout ce bonheur, cette beauté, c’était pour moi. Et que même sans l’avoir mérité, j’avais le droit d’en profiter.

Parfois, c’est comme si le handicap et ses contraintes devenaient durs comme fer. Ascenseur en panne : je serre les dents. Distances mal anticipées : mes genoux lâchent, je tombe à plusieurs reprises, je me blesse, et voilà mon chagrin qui commence à couler. Je suis fatiguée de ce corps qui ne se laisse pas dompter. Je suis fatiguée de lutter, de tout devoir gagner, mériter, expliquer, prouver. Fatiguée de me cogner jour après jour contre les murs de ma prison alors que je voudrais tellement voler, m’envoler.

Alors oui, parfois, il m’arrive d’avoir du mal à croire que la beauté, la liberté, l’amour vrai, ce soit aussi pour moi. Même si je sais que j’ai déjà beaucoup de chance, de vivre, de travailler, d’être entourée… Bien sûr.

En me proposant de passer ces vacances avec eux, mes amis se sont-ils rendu compte qu’ils faisaient un travail d’orfèvre ? Je ne sais. Je me suis sentie honorée aussi bien par la beauté de leur environnement que par la profondeur de nos liens. Pas de doute : la beauté restaure, la confiance aussi. Comme le peintre-poète de Jacques Prévert, délicatement, mes amis ont commencé à enlever un à un les barreaux de la cage pour laisser s’envoler l’oiseau.

Cécile Gandon, ombresetlumiere.fr – 30 mai 2023

portrait de Cécile Gandon

Porteuse d’un handicap moteur, Cécile Gandon travaille dans l’associatif. Elle vient de publier « Corps fragile, cœur vivant » (Emmanuel).

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