Une vie de maman

Des signes infimes

Un enfant autiste et sa maman

Longtemps, j’ai pensé que Paul ne me reconnaissait pas, qu’il était indifférent à ma présence comme à celle des autres. Déjà petit, il était très difficile d’obtenir son regard. Son univers se limitait à quelques jouets sonores qu’il manipulait et que nous transportions partout. Plus attaché aux choses qu’aux personnes. Autiste non verbal, il n’a jamais dit « maman ». Il ne m’a jamais tendu les bras. Il ne manifeste rien quand je pars et encore moins quand je reviens. Aux innombrables aides à domicile qui me relayaient, je répétais qu’il ne faisait pas de différence entre elles : « L’essentiel est de ne pas changer ses habitudes. Si vous faites scrupuleusement comme moi, tout se passera bien ».

J’aurais presque pu croire que je suis une aidante comme les autres. Mais je me trompais. Peut-être que, par souci de ne pas me leurrer moi-même, je ne voulais pas extrapoler un comportement indéchiffrable ? Peut-être que, par dépit de ne voir aucun signe, j’avais fini par me résigner ? Je me suis faite à l’idée que son attachement n’était pas le plus important. Ne faut-il pas aimer avant d’être aimé ?

Mais heureusement que les aides à domicile sont bien incapables d’être mon clone. Progressivement, je remarque que son comportement n’est pas le même en fonction des personnes. Avec certains, il est plus sonore, il montre de l’opposition et profite de la moindre inattention pour filer dans la cuisine et s’enfiler un pot de mayonnaise avec les doigts… Avec d’autres, il semble écouter et se concentrer, il est plus tactile. Et c’est vrai qu’avec moi, il accepte que je lui caresse la joue ou les cheveux. Parfois il sourit en détournant le regard quand je rentre dans sa chambre. Il s’endort plus tranquillement si c’est moi qui passe le voir le soir. Les signes sont infimes et ce sont souvent les autres qui les ont repérés avant moi. De tous petits signaux qui réchauffent le cœur d’une mère et illuminent sa journée. Bien sûr qu’il me reconnaît. Je suis une aidante mais je suis bien plus que cela pour lui.

Marie-Amelie Saunier, ombresetlumiere.fr – 8 octobre 2020

Marie-Amélie Saunier vit à Lyon. Elle est mère de quatre enfants, dont Paul, atteint d’autisme.

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