Actus
« En établissement, le manque de professionnels est préoccupant »
Le secteur médico-social subit depuis plusieurs mois une forte pénurie de professionnels, qui inquiète les familles. Le témoignage à Marseille de Mireille, maman de Cyprien.
Cyprien a 8 ans, il est polyhandicapé et il fréquente depuis quatre ans un centre aux horaires d’école, trois jours par semaine. Les problèmes d’effectifs y sont anciens. Quand Cyprien a intégré le centre, j’ai été assez étonnée par le problème de recrutement du personnel paramédical, qui manquait cruellement (orthophonistes, kinés, ergothérapeutes…). En creusant un peu, je m’étais aperçue que pendant six semaines, Cyprien n’avait pas eu de séance de kiné et je n’en avais pas été informée. Il y avait aussi une pénurie d’infirmiers, très inquiétante pour un centre qui accueille des enfants lourdement handicapés. Evidemment, cela ne s’est pas amélioré depuis la crise sanitaire. Je pense qu’il peut y avoir une mise en danger de nos enfants. Le directeur vient lui-même parfois tôt le matin pour aider à changer les couches des enfants qui sont à l’internat à cause d’un manque d’effectifs. Récemment, j’ai été prévenue qu’il faudrait peut-être que je garde Cyprien certains jours…
Un problème de vocations
Au début, j’ai pensé que c’était un problème d’organisation dans le centre, mais c’est vraiment un problème de vocations. Et à ce souci de recrutement du personnel paramédical s’ajoute maintenant le problème de recrutement des éducateurs spécialisés. Il y a des départs à la retraite qui ne sont pas remplacés… Ce métier n’attire pas les jeunes. Et il n’a pour l’instant pas été revalorisé dans le cadre du Ségur de la Santé. On demande aux parents de s’investir pour pallier ce manque de personnel. Il y a trois jours, j’ai ainsi été animer un atelier culinaire dans le centre. J’ai été très surprise : j’étais seule avec une intérimaire, une éducatrice spécialisée et huit enfants lourdement handicapés, c’était clairement dangereux. Hier, Cyprien était enrhumé et j’ai préféré ne pas le mettre au centre.
Situation tendue
Je sais qu’ils font ce qu’ils peuvent. Le personnel est dévoué mais débordé par cette pénurie. Ils ont beaucoup de mérite, mais c’est vraiment stressant. J’ai intégré cette année le Conseil de Vie Sociale de l’établissement. Je voulais m’investir plus. Je me suis proposée et j’ai été élue. La direction ne cache absolument pas que la situation est très préoccupante. Avec d’autres associations, elle a organisé au mois d’octobre une conférence de presse pour tirer la sonnette d’alarme. D’après eux, la crise sanitaire a empiré la situation. Certains professionnels se sont réorientés vers d’autres métiers ou le libéral et certains, non vaccinés, ne peuvent plus travailler. Même si c’est une minorité, cette minorité manque cruellement quand la situation est déjà tendue. A mon avis, le problème est vraiment national. L’avenir me fait peur…
Recueilli par Christel Quaix, ombresetlumiere.fr – 29 novembre 2021