En famille, se laisser déranger !

Patrick et Hélène Rougevin-Bâville ont raconté leur aventure familiale à l’école des plus fragiles dans un livre La maison du Sycomore . Ce livre retrace le chemin qui les a menés jusqu’au Sycomore, une maison du village saint Joseph. L’intuition de ce village repose sur la famille, église domestique, lieu de prière et d’accueil.
Les maisons du village Saint Joseph sont ainsi des petits foyers chrétiens à dimension familiale où chaque personne accueillie peut se reconstruire, retrouver sa dignité et son autonomie. Patrick et Hélène, parents de 7 enfants, sont une de ces familles qui ont décidé d’accueillir chez eux des personnes en souffrance. Beau témoignage de la façon dont ils se sont laissé conduire pour répondre à cet appel généreux.
Bruno : A quoi avez-vous été particulièrement sensible ?
Patrick et Hélène ont 7 enfants. Je ne doute pas que cette vie de famille nombreuse les a bousculés voire déplacés. Quelques anecdotes en témoignent dans leur livre comme l’arrivée de leur seconde fille que les médecins avaient diagnostiquée trisomique avant la naissance et qui se révéla sans handicap.
C’est pourquoi, quand ils écrivent : « N’est-ce pas quand on accepte de bon cœur de se laisser déranger que l’on commence à aimer ? », cela retient particulièrement mon attention. Se laisser déranger pour apprendre à aimer. Cette phrase prend sa signification dans l’expérience qu’ils font avec Louis-Marie, leur neveu handicapé mental, atteint du syndrome du X fragile. Patrick et Hélène l’accueillent régulièrement chez eux et témoignent que la présence de Louis-Marie requiert une attention constante. Et à travers les ajustements nécessaires pour accueillir ce neveu pas comme les autres, ils font l’expérience d’une joie profonde au cœur de leur foyer.
Je trouve intéressant cette école d’apprentissage à l’Amour (avec un grand A). Cela fait écho à ma propre expérience. Les personnes handicapées que j’ai rencontrées étant jeune, m’ont beaucoup appris comme les joies simples, la patience, la vraie présence à l’autre et m’ont préparée à vivre l’amour amical, conjugal et familial.
Bruno : Faut-il passer par des choix aussi radicaux comme celui de Patrick et Hélène pour apprendre à aimer ?
Vous avez raison Bruno, nous ne sommes pas tous appelés à vivre dans un village Saint Joseph comme Patrick et Hélène. J’ai d’ailleurs souri en lisant la réaction de leur fille ainée à l’annonce de leur projet : « vous êtes complètement barrés, mais c’est génial ».
Je retiens malgré tout deux idées fortes de leur aventure. La première : s’ils n’avaient pas accueilli leur neveu et fait cette expérience décoiffante, ils seraient passés à côté de quelque chose de grand. C’est une invitation à être audacieux, à ne pas craindre de se laisser déranger. Au contraire, c’est une condition pour apprendre à aimer. Une des fécondités des personnes handicapées est certainement de nous apprendre à aimer.
La deuxième idée concerne la fécondité de la famille. L’expérience du village saint Joseph montre que la famille est un lieu de partage et un vecteur de guérison où chaque accueilli va pouvoir retrouver la paix et l’unité de sa personne. Fabrice Hadjadj, philosophe et auteur de Qu’est-ce qu’une famille dit que la famille est un lieu d’apprentissage de la charité, de la liberté et de l’amour sans préférence : des forces à partager sans modération.
Une invitation pour les familles à ouvrir leur foyer selon leur disponibilité et leur appel aux personnes dont le parcours de vie est chaotique. Souvenons-nous de Saint Jean-Paul II nous disant : « N’ayez pas peur ! Ouvrez toutes grandes les portes au Christ ! »
Florence Gros sur RCF – 24 avril 2023