Espérance

Espérance, du latin sperare « considérer quelque chose comme devant se réaliser »

Je viens de recevoir un appel téléphonique d’une personne malade, qui doit être opérée cette semaine, avec la pose d’une stomie. Je suis « patiente partenaire » de l’hôpital pour rencontrer ou prendre contact avec des patients stomisés, ayant moi-même une poche depuis douze ans. Cette femme m’explique qu’elle veut anticiper et prendre les moyens mis à sa disposition pour devenir autonome le plus vite possible après l’opération. Elle sait le pourquoi de l’intervention, ne le nie pas, mais ne se laisse pas envahir par la peur. Au fil de la conversation, elle illustre cet espace nécessaire pour que la vie soit possible malgré l’événement dramatique qu’est le diagnostic d’une maladie grave, et la pose d’une poche.

Certains ont pu entendre dans l’Évangile, le jour de la Toussaint, cette affirmation paradoxale : « Heureux les pauvres, les affligés, les persécutés, ceux qui pleurent, qui ont faim et soif. » Comme il est difficile d’entendre ce message, « heureux êtes-vous ! »

Comment tenter d’entrer sur ce chemin, lorsque la maladie survient ? Comment est-ce possible, en ce temps où les guerres explosent, où les haines se déchaînent, où la peur s’infiltre, sinon en devenant des résistants de l’espérance ? Ce mot prend tout son sens quand tout nous pousse à désespérer.

L’espérance peut nous être donnée comme une grâce, il faut la demander. Cette part qui résiste s’entretient dans la prière. Il s’agit surtout de travailler l’espérance, en nous et autour de nous, au quotidien. Non une espérance béate, qui nierait les difficultés personnelles ou l’angoisse globale, mais une espérance qui ne nous laisse pas envahir par nos inquiétudes légitimes, par le climat délétère, afin que nous puissions dire : « Nous sommes pressés de toutes parts, mais non écrasés ; inquiets, mais non désespérés, persécutés, mais non abandonnés ; abattus, mais non anéantis. » (2 co 4, 8-9)

Au fil de nos journées, nous pouvons repérer ce qui est bon et beau, les sourires, les gestes, les mots qui font du bien, les actes d’amitié et de fraternité. C’est à la sainteté vécue au quotidien, à laquelle nous sommes chacun appelés, et non à la perfection, qui reste imaginaire, frappée par l’idée de toute-puissance.

Peut-être est-ce cela, la sainteté : être des résistants de l’espérance ?

Marie-Hélène Boucand, 10 octobre 2023

Par Marie-Hélène Boucand. Médecin, docteur en philosophie, elle-même atteinte d’une maladie génétique rare. Dernier ouvrage paru, Traverser l’épreuve de la maladie, éd. Fidélité, 2022. Elle y déroule l’attention à ce que nous percevons, l’attention au corps qui se met à « parler », un travail qui consiste à « traduire » en mots les maux du corps. Pour Ombres & Lumière, elle livre chaque mois sa chronique « A l’ombre d’un mot ».

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