Euthanasie, un progrès social ?

Chronique de Florence Gros, directrice de la Fondation OCH, sur Radio Notre Dame – 11 juin 2024

C’est le titre du livre d’Isabelle Marin et Sara Piazza. Isabelle est médecin et philosophe de formation. Elle a travaillé en soins palliatifs puis, une fois en retraite, dans une structure destinée aux personnes précaires. Sara est psychologue clinicienne et psychanalyste. Elle exerce en réanimation et en équipe mobile de soins palliatifs. Leur expérience est incontestable et leurs arguments pour répondre à cette question est sans appel. L’euthanasie n’est pas un progrès social. Au contraire ! Les précaires comme elles les nomment, les plus fragiles, les plus handicapés, les plus pauvres sont les premières victimes de ce tournant législatif. D’autant plus que « dans leur expérience clinique, témoignent les deux praticiennes, si elles n’entendent pas de demande d’euthanasie, elles entendent quasi systématiquement, en revanche, le sentiment d’inutilité, la crainte d’être un poids pour ses proches, sa famille, l’institution ».

Simon : Pouvez-vous développer une idée phare ?

Lors de débats sur la fin de vie, des journalistes ont invité Sara à s’exprimer à plusieurs reprises. Elle mentionne que dans les débats, il est souvent question des conditions de notre mort. Sara Piazza nous propose plutôt de réfléchir en premier lieu à nos conditions de vie. Elle rappelle que la fin de vie n’est pas un moment à part dans la vie mais la continuité de la vie. C’est donc d’abord de la vie dont il faut prendre soin. Un ami handicapé physique me le répète souvent : « Ma vie est belle si je suis bien accompagné ». Repensons les conditions d’accès au soin, donnons les moyens aux personnes, de travailler leur rapport à la vulnérabilité et de découvrir les bienfaits de la dépendance…

Simon :  Comment découvrir les bienfaits de la dépendance ?

Nous naissons vulnérables et complètement dépendants. En naissant nous recevons la vie. Puis en grandissant nous apprenons à dépendre le moins possible des autres avec sans doute pas assez de nuances. Découvrons la joie de donner, d’aider et n’oublions pas d’apprendre à recevoir. Que dire aussi de la sociabilité de l’être humain ? Nous avons besoin les uns des autres. Nous vivons bien souvent dans une illusion d’indépendance, d’autonomie. Regardez l’effet qu’a produit le COVID en créant un isolement brutal, parfois total. Bien des personnes qui se voyaient indépendantes ont découvert à cette occasion leur profond besoin des autres. Reconnaissons-le pour entrer dans cette découverte des bienfaits de la dépendance. De nombreuses personnes handicapées nous précèdent dans cet apprentissage. Pour Christel, Marie, Emmanuel, tous dépendants pour les gestes de la vie quotidienne, demander de l’aide est leur quotidien. Cela les met à l’abri de la toute-puissance, un sentiment qui peut nous traverser et qui nous empêche de demander de l’aide, et leur fait vivre ce pourquoi nous sommes tous faits : la relation.   

Chroniques animées par Simon Tatreaux, journaliste et présentateur de Radio Notre Dame.

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