Une vie de papa

Face au mutisme

une adolescente tournée vers une fenêtre
© Istock.

Depuis quelques temps, Roxelane s’enferme dans sa bulle.
Elle qui est habituellement un moulin à paroles, prête à bouger sur le rythme de la moindre musique, ne communique plus, ne réagit plus, ne parle presque plus.
Ce changement est venu très progressivement, en quelques semaines. Au début, on mettait cette évolution sur le compte des vacances, de la rupture des routines habituelles. Tout irait mieux en septembre pensait-on. La rentrée scolaire est intervenue entre temps, et l’enfermement s’accentue.
Tout l’entourage médical et para-médical s’inquiète.
Chacun y va de son analyse : elle est trop stimulée, elle n’est pas assez stimulée, elle a besoin de repos, elle est trop isolée, elle doit reprendre un médicament, elle ne doit surtout pas reprendre de médicament.
Dans ce labyrinthe géant, on peine à s’engager dans une voie plutôt qu’une autre, de peur de passer à côté de la bonne piste.
Face à des avis divergents, le choix nous revient en tant que parent. On se sent vite seuls et un peu dépassés.
Je me prends souvent à rêver de trouver la personne de confiance qui prendrait toutes les décisions médicales à notre place. Ce serait tellement plus confortable, – un fil d’Ariane sur lequel se reposer.
Lorsque la parole s’éteint, le non-verbal prend alors toute sa place. Par ses yeux, par son regard qui balaie sans cesse de haut en bas, de gauche à droite, Roxelane exprime le tourbillon de pensées qui l’agite. Le regard comme reflet de l’âme. On est frappé lorsqu’elle nous fixe du regard, soudainement, pendant quelques secondes, à la suite d’une parole qui l’interpelle. La compréhension est bien là, malgré son mutisme.
Elle aussi semble enfermée dans un labyrinthe de pensées. C’est l’analyse que nous proposent nos interlocuteurs au Québec : chez les personnes autistes, le traitement de l’information prend du temps, beaucoup de temps. Tous les autres sens sont mis en sourdine tant que le cerveau n’a pas compris, ni digéré, le flot d’informations perçues.
Qu’est-ce qu’on donnerait pour la rejoindre dans ses pensées, et pour lui remettre le fil d’Ariane qui l’aiderait à sortir plus vite de son mutisme ! Qu’est-ce qu’on donnerait pour remplacer le labyrinthe des pensées, par le moulin à paroles.

Guillaume Kaltenbach, ombresetlumiere.fr – 16 octobre 2023

portrait de Guillaume

Guillaume Kaltenbach est père de trois enfants dont Roxelane, 14 ans, atteinte de troubles du spectre autistique. De confession protestante, ce chef d’entreprise est impliqué dans différentes initiatives professionnelles et bénévoles visant l’amélioration de l’inclusion des personnes en situation de handicap.

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