Dossier

Frères d’humour

Benjamin et David
Benjamin (à gauche) et David, à Cannes. © DR.

Sur les réseaux sociaux, les frères belges David et Benjamin Vandewalle forment le « duo tricomique ». Le premier est porteur d’un spina bifida ; le second est trisomique et s’est fait connaître par son rôle du « vrai Sylvain » dans la comédie populaire Un p’tit truc en plus. Leur maître-mot : l’autodérision.

À peine la rencontre commencée, que l’espièglerie de Benjamin, 36 ans, porteur de trisomie 21, se manifeste. Avec son polo rayé et ses yeux rieurs, ce Bruxellois n’a pas sa langue dans la poche. Quand il décrit son métier dans une entreprise qui concentre magasin bio, restauration et jardinerie, au sein de laquelle il s’épanouit depuis quinze ans, il marque une pause : « Et en plus, ça paye bien ! » Assis à ses côtés, son frère David, de cinq ans son cadet, s’en amuse, habitué à ce genre de remarques cocasses. C’est lui qui a eu l’idée de lancer des vidéos comiques durant le confinement. « Au départ, j’étais seul sur les vidéos, puis j’ai proposé à Benjamin de faire ce duo, explique cet assistant social auprès de familles monoparentales. L’idée était de faire des vidéos simples et amusantes sur toutes les petites folies de notre quotidien de colocataires ». Voilà sept ans que ces deux frères adoptifs d’une grande fratrie de huit enfants – dont sept adoptés – vivent sous le même toit.  « Et c’est moi le propriétaire ! », souligne fièrement Benjamin.

La simplicité avant tout

Les deux frangins manient l’autodérision avec naturel. « Tu te souviens du jour où tu m’as dit, à la porte d’entrée : « Allez passe-partout, ouvre la porte ! », s’amuse David, qui est de petite taille. Leurs pages Instagram (20 800 abonnés) et Tiktok (71 600 abonnés) connaissent désormais un franc succès. « On a subi quelques moqueries au début, confie David. Certains pensaient que j’utilisais mon frère pour les vidéos. Alors que l’on valide tout ensemble à chaque fois. » Chez lui ; l’humour a toujours fait partie de sa vie. « J’ai toujours détesté qu’on se moque des personnes différentes. Dans la vie de tous les jours, on rigole beaucoup sur des choses simples, on ne se prend pas la tête. L’humour permet d’avancer, de toucher les personnes, c’est une arme », met en avant David. « Oui c’est, une âme ! » rebondit spontanément Benjamin, qui développe sa façon de voir l’humour : « Je me sens bien dans mon corps, dans mon cœur. Je suis capable. Je sais rire du handicap et j’ouvre mon cœur. La vie, elle est belle et rose ! » Celui qui a déjà couru plusieurs semi-marathons à Bruxelles a toujours vu sa trisomie 21 comme une force. « Un jour, se remémore David, Benji m’a demandé si j’étais trisomique. Je lui ai répondu que je ne l’étais pas. Il m’a dit : ‘Ah ok, dommage !’ »  

« L’humour permet d’avancer, c’est une arme. » David

De Tiktok à Cannes

Grâce à leurs publications, Benjamin a été repéré par le réalisateur français Artus pour jouer dans sa comédie au contagieux succès Un p’tit truc en plus, sortie début mai. « J’ai répondu oui direct ! », s’enthousiasme Benjamin. Ce dernier a fait ainsi ses premiers pas au cinéma après dix années de cours de théâtre. Dans son rôle du « vrai Sylvain » (qui ne part pas dans la colonie de vacances adaptée, ndlr), Benjamin parle peu, mais Artus l’a laissé improviser quelques scènes. « Artus est tout de suite rentré dans le jeu et le caractère de chaque personne, expose David. On sent qu’il est vraiment touché par le handicap. Il montre qu’on peut en rire sans se moquer, que l’autodérision est possible. Il est le parrain d’Handicap international, des Jeux paralympiques… On sent qu’il veut faire bouger les choses par l’humour. » En Belgique, le film aussi est plébiscité par le public. « Le tapis rouge à Cannes, c’était beaucoup d’émotions », se souvient David, aussitôt encerclé d’un généreux câlin de son frère, qui lui adresse un « je t’aime » avec une simplicité déconcertante.
Pour l’heure, l’insolite duo veut poursuivre sa voie et continuer ses vidéos. « On ne va pas prendre la grosse tête pour autant, on prend ce qui vient », se laisse porter David. « Oui, on a confiance. J’ai confiance en Dieu », témoigne sobrement Benjamin, catholique, en vérifiant l’heure à sa montre parce qu’« à 15h30, y’a chapelet ». En voilà une autre répartie, toute spirituelle.

Guillemette de Préval, ombresetlumiere.fr – 26 juin 2024

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