Restons poly

Gratitude maximale

portrait de Caroline Saillet

Le Français est râleur. Toujours prompt à manifester, à dire ce qui ne va pas ou ce qui devrait être fait, à le crier haut et fort.

Moi j’avoue, j’en suis.

Mais aujourd’hui j’ai envie de dire merci.

Merci aux médecins, infirmières, aides-soignants qui ont sauvé ma fille plus d’une fois, qui ont pris soin d’elle. Merci aux éducatrices, AES, kinés, psychomotriciennes, orthophonistes qui sont un jour passés sur notre chemin et ont permis à Marie Océane d’avancer, de progresser même un tout petit peu. Mis bout à bout… Marie Océane a avancé. Notre fille était hypotonique, la tête toujours en arrière, qu’elle balançait de droite à gauche pour balayer sa vue. Elle avait une cécité corticale. Elle ne pouvait pas dire ou montrer ce qu’elle voulait. Elle était « agie », c’est-à-dire dépendante à 100%. Aujourd’hui elle tient sa tête, elle se met assise au sol, elle marche à quatre pattes pour aller où elle veut, elle montre avec son regard le choix qu’elle a pu faire entre deux objets. Elle a inventé quelques gestes pour dire je t’aime, c’est à moi, j’ai mal, je suis énervée, je veux aller par là. Elle dirige ses pas grâce à un verticalisateur à roulettes. Partie de rien, elle n’est plus seulement « agie ». Elle décide de certaines choses de sa vie. Marie Océane ne devait rien pouvoir faire par elle-même. « Faut pas rêver Madame Saillet… Elle ne pourra jamais rien faire ! », m’avait dit mot pour mot un kinésithérapeute quand Marie Océane était petite. Détrompez-vous Monsieur, elle peut réaliser plein de petites choses qui la rendent heureuse !

Merci à ceux qui l’accompagnent encore tous les jours à L’Arche, où elle vit comme une jeune femme de son âge. 

Merci à ses frères et sœur, ses belles-sœurs et beau-frère qui l’aiment et l’aident à progresser.

Merci à elle-même qui a un tel désir de réaliser des progrès et de montrer ce qu’elle sait faire. 

Merci à mon époux Hubert qui me supporte et me suit quand j’ai des milliers d’idées à la minute. Merci pour son amour.

Merci à Chirac pour sa loi qui a mis vingt ans à être mise en place mais a le mérite d’exister.

Merci pour les places handicapées mieux marquées au sol.

Merci pour la prise en charge précoce de nos enfants et la valorisation de l’aidant familial.

Mais… il y a encore tant à faire ! J’ai quand même envie d’aller m’attacher aux grilles de Matignon, ou du ministère de la Santé, pour crier tout ce qui ne va pas encore dans le monde des polyhandicapés, tout ce qu’il reste à faire ou à ne pas faire. Mais pas aujourd’hui.

Aujourd’hui je dis merci. Et je constate à quel point ça fait du bien de réfléchir à tous les mercis que l’on peut dire.

Caroline Saillet, ombresetlumiere.fr –  21 mai 2024

Psychomotricienne par vocation, Caroline Saillet a toujours été proche des personnes porteuses de handicap. Mariée à Hubert Saillet, notre ancien chroniqueur, elle est mère de cinq enfants, dont Marie Océane, polyhandicapée. Bricoleuse, créative, un peu hyperactive, elle dévoile des recoins du quotidien et des réflexions sur le polyhandicap en partant de son expérience.

Partager