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« J’aimerais que ce film fasse bouger les choses sur l’autisme »

un père et son fils côte à côte
Samuel Le Bihan et Roman Villedieu ©France 2

Diffusé sur France 2, « T’en fais pas, j’suis là » raconte l’histoire de Jonathan, avocat d’affaires qui se retrouve parachuté dans la vie de son fils autiste, Gabriel. Il va découvrir une vie faites d’habitudes et de routines, bien loin de la sienne. Mais il va surtout découvrir son fils et se découvrir lui-même. Le réalisateur, Pierre Isoard a répondu à nos questions.

Comment est né ce projet de film ?

Je travaille depuis longtemps avec Samuel le Bihan sur la série Alex Hugo. Il a une fille autiste dont il s’occupe beaucoup et il s’implique énormément pour faire bouger les choses. Nous avons noué une relation de confiance et, quand il m’a suggéré de faire un film sur le sujet, j’ai tout de suite été enthousiaste. Mais je ne connaissais pas grand-chose. Je n’avais que quelques clichés et des idées fausses sur l’autisme. Mon stress a été de ne pas trahir ceux qui vivent au quotidien avec l’autisme.

Comment avez-vous fait pour appréhender au mieux le monde de l’autisme ?

J’ai passé des journées entières dans des IME qui m’ont ouvert grand leurs portes. Je me suis immergé dans le quotidien des professionnels et des enfants, tout en restant dans mon coin comme une petite souris pour ne surtout pas déranger. J’ai emmené le scénariste, mon jeune comédien et l’actrice qui interprète l’éducatrice. J’ai fait des rencontres très enrichissantes.

Qu’est-ce qui vous a marqué dans cette immersion ?

J’ai été frappé de voir le professionnalisme des éducateurs et leur façon de voir les choses avant les autres. Il y a de la douleur, des moments durs mais j’ai été saisi par la générosité de toutes ces personnes impliquées de manière complètement anonyme au service des autres. J’ai fait des rencontres inattendues, voire surprenantes, avec ces jeunes autistes. Un jour, un jeune de 12 ans, non verbal, s’est approché de moi très calmement, très gentiment et il m’a mis une énorme « beigne ». Mes lunettes ont volé. Je ne sais pas ce qu’il a voulu dire mais j’ai senti qu’il n’y avait aucune agressivité, que ce geste n’avait aucun rapport avec tout ce qu’on peut y attacher.

Comment s’est fait le choix de l’interprète du jeune Gabriel ?

Très vite, il s’est imposé que je ne pouvais pas avoir un jeune autiste comme acteur. Sur un plateau, il y a beaucoup de monde, beaucoup de bruit et on a très peu de temps. Je ne pouvais pas m’installer dans le tempo d’un enfant autiste. Et surtout, j’avais besoin de montrer cet enfant en train de faire des crises et il était hors de question que je provoque des crises chez un autiste avec un côté voyeur, maltraitant. Roman Villedieu ne connaissait rien à l’autisme. Il a fait des jeux de société avec les jeunes à l’IME, il s’est formé deux mois avec une coach qui connaissait très bien l’autisme, et qui lui a donné les bonnes clés. Au final, il a été chaque jour épatant et c’était un grand soulagement pour moi.

Qu’avez-vous retenu de ce tournage ?

Quand je rentrais chez moi le soir, je mesurais mon bonheur de ne pas être touché par le handicap. J’ai travaillé tout 2019 sur ce projet et du coup, cette année, pendant le confinement je pensais beaucoup à tous ces enfants, à leurs parents et à ce qu’ils devaient vivre. Je ressens beaucoup d’empathie pour ces enfants, prisonniers de quelque chose qu’ils ne maîtrisent pas. Il y a des moments de joie, ils peuvent vivre de très belles relations avec les gens qui les entourent mais c’est quand même souvent dur.  

Qu’attendez-vous de la diffusion de ce film ?

Je ne voulais surtout pas faire un film larmoyant mais j’espère que les gens auront envie de regarder le film et de faire bouger les lignes après. Moi, je ne suis pas devenu un grand spécialiste de l’autisme, je suis avant tout un réalisateur qui raconte des histoires mais j’ai bien vu qu’il y avait encore beaucoup de choses qui n’allaient pas. Dans l’IME de Chambourcy où nous avons été, il y a un éducateur pour un enfant. C’est extraordinaire, mais ils ne sont que vingt… Qu’en est-il pour tous les enfants qui sont sur la liste d’attente ? Beaucoup de parents doivent se débrouiller seuls. Les organisations à mettre en place coûtent cher. Comment peuvent faire ceux qui ont peu de moyens ? France Télévision a envoyé le film avec une interview de Samuel Le Bihan aux politiques. J’espère qu’ils regarderont le film et que ça leur donnera envie d’agir. Un passage à la télévision, c’est un « one shot » mais je souhaite qu’il touche un maximum de personnes.

Propos recueillis par Christel Quaix, ombresetlumiere.fr – 22 octobre 2020

T’en fais pas, j’suis là, à voir le lundi 26 octobre sur France 2. Avec Samuel Le Bihan, Lizzie Brocheré et Roman Villedieu. Le film sera suivi d’un débat présenté par Julian Bugier avec Samuel Le Bihan, Claire Compagnon (déléguée interministérielle à l’autisme), Professeure Frédérique Bonnet-Brilhault (pédopsychiatre au CHU de Tours), la maman d’un enfant autiste et une éducatrice qui accompagne plusieurs enfants au quotidien.

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