Dossier

« Je prends confiance en moi »

un jeune étudiant devant son ordinateur
© Istock.

Augustin, 22 ans, autiste asperger, entre en deuxième année de licence de graphisme à Montreuil (93). Il raconte ses difficultés et les progrès réalisés dans sa vie étudiante.

J’aime dessiner depuis l’enfance. J’ai souvent un crayon entre les mains et suis passionné de divers univers artistiques. Après un bac pro « artisanat et métier artistique » obtenu en juin 2021, je me suis orienté vers une licence de graphisme pour obtenir un diplôme national des métiers d’art et du design.

Dès que j’ai été admis dans ce parcours, avec mes parents, nous sommes allés rencontrer le directeur de l’établissement pour lui parler de ma particularité. J’ai été diagnostiqué autiste asperger en 2016, vers l’âge de 15 ans, assez tard donc. Je ne connaissais pas ce terme avant. Ce sont mes proches qui ont vu qu’il y avait quelque chose. Je suis l’aîné d’une fratrie de cinq enfants. Il est vrai que j’ai une personnalité assez solitaire. J’ai quelques soucis de communication mais, d’année en année, je sens que cela va mieux. Maintenant, je peux parler à tout le monde. J’ai encore des difficultés pour m’insérer dans un groupe, comprendre les habitudes des uns et des autres… En classe, je sais que j’ai des comportements que les autres ne peuvent pas toujours comprendre, comme le fait de me parler régulièrement à moi-même ou de rester seul contre le mur même lorsqu’on me tend une main.

Les professeurs sont tous au courant que je suis asperger. Mes camarades aussi a priori, même si je ne sais pas s’ils ont été prévenus officiellement par l’équipe pédagogique. Dans mon ancien lycée, mon directeur avait convoqué la classe en entier, sans moi, pour leur parler de ma situation. On avait convenu cela ensemble. Cette année, comme je bénéficie d’un tiers-temps ou de consignes un peu aménagées, ma différence se remarque. Je n’ai pas de problème pour le dire. Un autre élève de la promo serait également asperger. On ne me l’a pas dit tel quel mais je crois deviner à sa façon d’être et d’agir qu’il est un peu comme moi… Mais lui bénéficie d’une assistante de vie scolaire (AVS), donc cela se voit davantage.

Comprendre les consignes

Nous sommes une petite promotion de 15 élèves. J’ai réussi à bien m’entendre avec trois garçons et une fille de ma classe ; c’est un groupe sympathique. Nous sommes aussi parfois mélangés avec d’autres classes, qui ont une option différente, et là je me suis vraiment bien entendu avec d’autres élèves.

Je n’ai pas eu trop de mal à m’acclimater aux cours car c’était vraiment la suite logique de mon bac pro. J’avais déjà l’habitude de rendre des projets, d’avoir des oraux… Mais j’ai parfois eu plus de difficultés à comprendre les consignes exactes des professeurs. Il fallait souvent réussir à se mettre dans leur tête et je me suis plus d’une fois retrouvé complètement à côté de la plaque… Le rythme demandé est plus dense aussi. Ayant tendance à vouloir rendre quelque chose de parfait, j’ai fait de nombreuses nuits blanches !

L’année prochaine, j’aimerais davantage aller à des expositions pour me nourrir sur le plan intellectuel et artistique. Ce serait l’occasion de faire des sorties et de voir autre chose que des projets à rendre.

Vie en collectivité

Mes parents n’habitant pas à Paris, j’ai passé la première année chez un oncle. Puis, afin d’avoir un peu plus d’autonomie et de liberté, j’ai choisi d’aller en foyer. J’ai vécu pendant trois ans dans un premier foyer d’une quinzaine de jeunes, encadré par un couple et un prêtre. Chaque soir, un binôme préparait le repas pour tout le monde et nous avions tous une tâche de ménage attitrée. C’était une belle expérience. J’ai aimé prendre part à la vie en collectivité. À la rentrée, je change de foyer pour vivre quelque chose de différent. Je serai dans le 19e arrondissement, avec quatre autres étudiants que je ne connais pas encore. Je l’ai déjà visité et ai rencontré le prêtre responsable, je me suis senti en confiance. Je pense m’investir dans l’aumônerie et dans la paroisse dont dépend le foyer, Saint Jean-Baptiste de Belleville. Le foyer sera un peu loin de mon école mais j’ai l’habitude de prendre les transports en commun.

J’ai du mal à me projeter au-delà des études. Je ne vois pas trop le bout du tunnel. À part devenir graphiste, je n’ai rien de définitif comme idée de métier. D’autant qu’avec les nouvelles technologies, l’art du graphisme évolue beaucoup. Je sais juste que je n’ai pas très envie de rentrer dans une routine métro/boulot/dodo. C’est un peu écrasant.

Cette première année d’étude m’a appris plusieurs choses. J’ai pris confiance en moi. Plusieurs fois je m’attendais à obtenir de piètres résultats pour un devoir alors que finalement, ça se passait bien. Je me suis surpris à rendre des projets que je n’avais pas l’habitude de réaliser. Ça a été un réel apprentissage dans la méthode. Par rapport à mon handicap, je remarque aussi que j’ai l’impression d’en être plus conscient par rapport à l’année précédente. Et je sens que je me suis plus ouvert aux autres.

Recueilli par Guillemette de Préval

A lire : « Le défi des études supérieures », O&L n° 249 (septembre-octobre 2022).

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