« Je voulais tout tenter pour la vie de mon bébé »
A 22 ans, Prescilia est la maman de Jessica, atteinte d’un spina-bifida. Quand ils ont appris pendant la grossesse que leur bébé avait un grave problème de santé, elle et son mari ont décidé de l’accueillir. Pourtant ils n’avaient jamais côtoyé de personne atteinte d’un handicap… Prescilia raconte.
Le 28 février 2018, lors de l’échographie du deuxième trimestre, le gynécologue nous annonce que notre bébé a un problème ; il nous envoie à Dijon pour avoir un diagnostic plus complet. Il ne nous en dit pas plus, mais nous remet un compte-rendu pour la gynécologue de Dijon. Mon mari et moi nous empressons de lire : suspicion de spina-bifida. Aussitôt, nous cherchons des informations sur internet. Nous découvrons qu’il existe différents degrés d’atteinte ainsi que des solutions pour soigner le bébé in utero.
La semaine suivante, nous voici à Dijon pour une nouvelle échographie. La gynécologue écrit sur notre dossier « myéloméningocèle » ; c’est le cas le plus grave… Elle enchaine tout de suite en nous disant qu’il n’y a pas d’autre solution que de faire une interruption de grossesse. Je lui signale que j’ai vu sur internet que l’on pratique des chirurgies in utero à Paris, en Belgique, et en Suisse. Elle me répond : « Non, ça ne passera pas. Votre fille sera un légume, elle ne parlera pas, elle ne marchera pas, elle ne bougera pas les jambes. Si vous voulez, on a une place cet après-midi pour une interruption de grossesse.» Option que je rejette avec fermeté. Mon mari et moi rencontrons quand même une psychologue avant de quitter l’hôpital. Elle aussi essaye de nous faire changer d’avis, mais je ne veux pas faire d’interruption de grossesse tant que je n’ai pas tout tenté pour mon bébé. S’il part pendant l’opération in utero, au moins j’aurai tout fait pour sa vie. Je serai plus sereine. Je ne veux pas baisser les bras.
Le lendemain de cette consultation, je regarde à nouveau sur internet dans quels hôpitaux est réalisé ce type de chirurgie in utero. La gynécologue de Dijon m’a prévenue qu’à Paris on ne m’acceptera pas. Je contacte deux autres hôpitaux, en Suisse et en Belgique, et leur envoie par mail mon dossier. Le temps presse : l’opération peut avoir lieu jusqu’à 26 semaines d’aménorrhée et je suis déjà à 24 semaines. Pour être sûr que je corresponde aux caractéristiques de la chirurgie in utero, il faut par ailleurs que je fasse une amniocentèse. Les médecins belges pouvant réaliser cet examen et en obtenir les résultats dans les temps, je choisis de partir là-bas pour faire l’amniocentèse.
Cette décision nous appartient
Nous sommes d’accord avec mon mari. Mais le temps d’avoir les résultats de l’amniocentèse et de savoir si notre bébé pourra être opéré, nous hésitons. Depuis le diagnostic du spina-bifida, nous en avons parlé à nos familles. C’est devenu assez compliqué. Les parents, les frères et sœurs, tous nous ont donné leur avis. Certains nous soutiennent dans notre choix. Mais dans l’ensemble, pour nos proches, nous devons faire une interruption de grossesse. Ils nous disent que « les médecins n’ont pas dit ça pour rien ». Après un moment de flou, mon mari et moi nous regardons : « C’est à nous qu’appartient cette décision, c’est notre vie ». Je lui dis clairement : « Si je fais une interruption de grossesse, je serai incapable après de me regarder dans un miroir. Tant qu’il y a quelque chose de possible, je le fais. Si tu ne veux pas rester, pars. » Nous désirons tellement ce bébé ! Nous avons tout préparé pour l’accueillir. Mon papa est alors en phase terminale d’un cancer. Je ne me vois pas tout perdre d’un coup.
Les résultats étant positifs, l’opération in utero a rapidement lieu en Belgique. Je pars au bloc très sereine. Très humaine, l’équipe médicale informe régulièrement mon mari dans la chambre en salle de réveil où il m’attend. Aujourd’hui, Jessica a dix-huit mois. Nos proches l’ont complètement adoptée. C’est une petite fille qui évolue à son rythme mais elle va très bien. Chaque semaine, elle a de la rééducation chez une kinésithérapeute. Celle-ci est très confiante. Jessica commence à avancer à quatre pattes. On va lui mettre des attelles aux pieds pour corriger l’un d’entre eux. Elle aura ensuite des appareillages pour commencer à marcher. Pendant ma grossesse, sur un groupe Facebook des spina-bifida, j’ai contacté une maman dont la fille a été opérée in utero. Depuis, nous sommes en lien. C’est agréable de parler à une autre maman qui vit les mêmes choses. Nous avons prévu de faire se rencontrer nos familles.
Recueilli par Florence Chatel, ombresetlumiere.fr – 7 janvier 2020.
Lire le dossier sur « Les alternatives à l’IMG » : Ombres & Lumière n°233