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Jean-Philippe Cavroy : « La santé mentale est l’affaire de tous »

L’annonce de Michel Barnier, le 22 septembre dernier, de faire de la santé mentale « une grande cause nationale » en 2025 a fait réagir le secteur de la psychiatrie. De son côté, Jean-Philippe Cavroy, délégué général de la Fédération Santé Mentale France, applaudit la décision du nouveau locataire de Matignon. Mais il constate aussi que face à un secteur trop longtemps laissé en jachère, le chantier reste de grande ampleur.

Ombres & Lumière – Selon vous, pourquoi le Premier ministre souhaite faire de la santé mentale une grande cause nationale en 2025 ?

Jean-Philippe Cavroy –  Je crois que Michel Barnier est sensible à cette problématique. Il l’a dit, lors de son intervention au journal télévisé il y a deux jours : sa mère a été présidente en Savoie d’une association qui existe au niveau national, qui est l’Unafam (l’Union nationale des amis et familles de malades mentaux). Il sait donc de quoi il parle et il a conscience qu’il est primordial de faire de la santé mentale un véritable enjeu citoyen. 

Enfin, la Covid-19 a joué un rôle : elle a été un électrochoc, elle a libéré la parole. Un grand nombre de personnes se sont retrouvées dans d’intenses fébrilités psychiques suite à la pandémie : dépressions, troubles anxieux, alimentaires, bipolaires, schizophréniques… 

En France, une personne sur cinq subit chaque année des troubles psychiques, soit plus de 13 millions de personnes. Le sujet concerne donc de près comme de loin tout le monde, peu importe l’âge, peu importe les origines. C’est l’affaire de tous. 

Concrètement, qu’est-ce que cela va changer ? 

Souvent, on ne veut pas voir. Souvent, la santé mentale est un sujet qui fait peur. En parler va permettre de regarder les choses en face, de faire prendre conscience que nous sommes tous exposés, que nous sommes tous fragiles, tous susceptibles d’être confrontés à des troubles psychiques. Notre travail au sein du collectif Santé mentale Grande cause est déjà d’informer les citoyens.

Par exemple, nous préparons une campagne de publicité grand public qui sera largement diffusée dans les médias si nous décrochons le label Grande Cause Nationale (ce label permet d’organiser pendant un an des campagnes de générosité publique et de les diffuser gratuitement dans les médias). Le collectif, soutenu par plus de 150 organisations qui ont signé notre pétition de la Grande cause nationale (43 000 signataires) va mettre en place des actions sur tout le territoire, que ce soit dans les festivals, lors de la semaine de l’emploi des personnes handicapées… Bref, nous allons profiter de temps forts pour sensibiliser le grand public, prévenir des troubles psychiques et déstigmatiser pour insuffler de l’espoir.

Informer, c’est bien. Mais est-ce suffisant lorsqu’on sait que le secteur de la santé, psychiatrie en tête, est à la peine ?   

Notre devoir d’informer sur la santé mentale n’est pas qu’un coup de pub ! Au sein du collectif, nous allons justement profiter que le dossier de la santé mentale figure enfin en haut de la pile pour être davantage force de proposition et travailler main dans la main avec le gouvernement. Nous allons faire plus de prévention et proposer des solutions concrètes pour éviter des souffrances et des drames. Cela passe par un meilleur accès aux soins, par une meilleure identification des facteurs de risque dès le plus jeune âge, par un meilleur accompagnement pour la réinsertion sociale et professionnelle du malade et par un plus grand soutien aux familles qui subissent de plein fouet les troubles psychiques de leurs proches. Le chantier est vaste, certes, mais l’annonce faite par le Premier ministre est porteuse d’espoir.

Propos recueillis par Damien Grosset, le 24 septembre 2024

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