Actus
Jeux paralympiques à Paris, entre liesse populaire et désir d’inclusion
Les Jeux paralympiques de Paris ont été officiellement lancés hier, d’abord par une messe à l’église de La Madeleine, intimiste et joyeuse, puis par la monumentale cérémonie d’ouverture place de la Concorde. Entre l’élan populaire face à ces 4 400 para athlètes et les grandes attentes de changement dans le champ du handicap, Ombres & Lumière a capté les premières émotions des spectateurs et participants tout au long de cette journée festive.
Sur la mythique avenue parisienne des Champs-Elysées, jeudi 28 août, une joie diffuse embrase la foule baignée des éclats d’un soleil rougeoyant. Au bout, se dresse l’obélisque de la place de la Concorde. Alors que s’inaugure la cérémonie d’ouverture signée Thomas Jolly, le défilé des para athlètes des 184 délégations, dans toutes leur diversité culturelle et géopolitique, commence. Adossé à un plot le long des barrières disposées sur l’avenue, Juan Antonio Lopez Mera regarde passer la délégation espagnole avec beaucoup d’excitation. Il est l’un des entraîneurs de l’équipe ibérique de boccia, un sport de boule jouée uniquement aux Jeux paralympiques : « Je me suis mis à entraîner des sportifs avec un handicap grâce à un ami qui m’a dit « ´Viens et vois !’ Depuis, je mesure à quel point le sport est encore plus beau lorsque l’homme accomplit des exploits avec la limite du handicap. »
Dans le public qui saute et se déhanche au rythme des musiques techno, des chansons de Dalida et de Johnny, il y a quelques curieux novices du para sport, à l’instar d’Amandine, Parisienne de 20 ans, venue « pour l’ambiance, soutenir les sportifs et profiter des Jeux à Paris ». Grégory, lui, a « beaucoup suivi les JO » début août. « Je suivrai certainement moins les paralympiques, concède ce Parisien, mais je vais regarder de près les résultats des Français et, s’ils gagnent, il y aura de la ferveur. C’est la première fois que les para ont lieu à Paris, c’est l’occasion de s’y intéresser ! »
Mais de grands passionnés sont aussi sur place, comme Sara et Victor, jeune couple d’Espagnols. « Nous allons suivre de près toutes les équipes de notre pays, lancent-ils joyeusement. On les connaît bien et on les soutient car on croit fermement aux valeurs du sport pour favoriser l’inclusion. Notre champion c’est Alfonso Cabello, en para cyclisme. Dommage que nous repartions en Espagne demain, car c’est la fin de nos vacances, mais nous suivrons à la télévision nos athlètes dans les différentes disciplines ! » Non loin d’eux, il y a aussi Bobby, 26 ans, vendeur de fauteuils roulants à Singapour, vêtu du maillot national rouge et blanc. « Nous avons attendu trois heures avec mon amie pour avoir les meilleures places sur les Champs et acclamer notre équipe ! », évoque-t-il, tout en agitant un grand drapeau de son pays. À l’approche de la délégation singapourienne, il leur hurle son soutien. « Nous avons beaucoup plus d’athlètes aux paralympiques qu’aux Jeux olympiques malgré la petite taille de notre pays, reprend-il. Je suis venu exprès de Singapour pour les paras car je trouve l’histoire des athlètes très inspirante. Beaucoup de gens insistent sur les Jeux olympiques mais, pour moi, les paras nous procurent beaucoup plus d’espoir, même à nous valides. Ces sportifs qui donnent le meilleur, sans mains ou pieds, nous font encore plus rêver. Maintenant que je comprends mieux leur vie par mon métier de vendeur de fauteuils roulants électriques, je vois les embûches qu’ils franchissent et je suis passionnément derrière eux. »
Je suis venu exprès de Singapour pour les paras car je trouve l’histoire des athlètes très inspirante. Beaucoup de gens insistent sur les jeux olympiques mais, pour moi, les paras nous donnent beaucoup plus d’espoir même à nous valides. Bobby
Pour ces premiers Jeux paralympiques accueillis en France, l’ambition se veut grande. Après le tournant historique de Londres 2012, qui font sortir de l’ombre le handisport, les maîtres-mots de l’édition 2024 sont l’inclusion, l’égalité, et la non- héroïsation des para-athlètes, ingrédients de cette « révolution paralympique », tel que l’a martelé Tony Estanguet, président du comité d’organisation des JO et JOP, lors de son discours : « On vous a souvent fait la liste de tout ce que vous ne pouviez pas faire, a lancé l’ancien kayakiste triple champion olympique. Jusqu’au jour où vous avez poussé la porte d’un club de sport. Ce jour-là, vous avez su que le sport, lui, ne vous mettrait aucune limite. (…) Ce qui fait de vous des révolutionnaires, c’est que quand on vous a dit « non », vous avez continué. Quand on vous a dit « handicap », vous avez répondu : « performance ». Quand on vous a dit que c’était impossible, vous l’avez fait. (…) Ce soir, vous nous invitez à changer de regard, à changer d’attitude, à changer de société »
C’est autant cette lumière projetée sur l’inclusion que la rareté de l’évènement qui a conduit Aminata à venir à la cérémonie. Peu férue de sport, la jeune trentenaire est sensible au handicap : « J’avais envie de voir ça de mes yeux. Et puis, j’ai grandi près de voisins qui ont un enfant autiste. Mon frère a le même âge que lui. On a partagé beaucoup de choses ensemble. Aujourd’hui, nos vies sont très différentes. Il était dans un IME mais comme il n’y a aucune place dans un foyer d’accueil, il reste chez ses parents. » La jeune femme met le doigt sur les nombreuses situations précaires que connaissent, loin des projecteurs, les familles touchées par le handicap. Elle a invité deux de ses collègues du foyer d’accueil d’urgence où elle travaille. Dont Alisson, 30 ans, qui a auparavant travaillé dix ans dans un foyer de vie auprès de personnes handicapées : « J’attends de ces jeux une plus grande tolérance envers le handicap, plus d’ouverture. »
Entre les différentes prestations scéniques – la performance de Lucky Love, chanteur né avec un seul bras, a marqué les esprits – plusieurs personnalités du monde du handicap se sont illustrées, comme le nageur et présentateur de télévision quadri amputé Théo Curin. D’autres ont témoigné à l’écran, comme Lil Skuna, influenceur sur les réseaux sociaux qui porte une maladie musculaire infantile : « J’ai appris que mon corps était bien comme ça. Il est bien, il est beau. Mon handicap attire les gens, je fais rire, je le mets en lumière. »
Moins mis en lumière, un autre coup d’envoi des Jeux paralympiques a été donné le matin même dans l’église de la Madeleine, pour la messe d’ouverture des paralympiques. Organisée par Holy Games, évènement ecclésial qui manifeste la présence de l’Église lors des Jeux, elle a regroupé de nombreuses associations et mouvements d’Église (L’Arche, Foi et Lumière, Simon de Cyrène, la Fondation OCH, Voir Ensemble, le groupe Audacieux des Scouts et Guides de France…). L’allègre assemblée, dirigée par la chantre Rosa Borges, aveugle et responsable de l’association Voir Ensemble à Lyon, a été présidée par Mgr Philippe Marsset, évêque auxiliaire de Paris. « C’est la force intérieure qui va créer des exploits, a-t-il appuyé. Le premier lieu de notre compétition est à l’intérieur de nous. La capacité de dépassement des personnes qui portent un handicap est stupéfiante (…) Ces personnes disent que la fragilité est une source incroyable de force. Regardons-les et laissons-nous toucher par la grâce, qui est un don de Dieu. »
Guillemette de Préval et Marilyne Chaumont, ombresetlumiere.fr – 29 août 2024