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« La Convention citoyenne s’est faite de manière hypocrite »

Marie-Caroline Schürr
© OCH.

À la suite de sa lettre ouverte sur l’euthanasie envoyée au chef de l’Etat, Marie-Caroline Schürr a reçu une réponse de l’Elysée. Alors qu’Emmanuel Macron s’est félicité ce matin de la tenue de la Convention citoyenne sur la fin de vie qui lui rendait sa copie (1), la jeune femme au handicap lourd dénonce la manipulation des esprits.

Quelle réponse le président de la République a-t-il donnée à la lettre ouverte que vous lui avez adressée sur l’euthanasie ?

Marie-Caroline Schürr : Par le biais de son cabinet, le président m’a adressé une réponse creuse, impersonnelle, sans fond, qui ne répond pas du tout à la lettre où je m’implique personnellement. Ce n’est pas une réponse digne de l’appel que j’avais lancé. J’aurais voulu qu’Emmanuel Macron s’engage. Je ne sais même pas s’il a lu ma lettre ouverte. En lieu et place de cela, il me rappelle que la Convention citoyenne statue et qu’il s’appuie sur elle. Pendant ce temps, Bfm TV m’a contacté en précisant que 92% de la Convention citoyenne était favorable à l’aide active à mourir ; la journaliste pensait que moi aussi. Lorsque la chaîne d’informations a compris que je m’y opposais, ils ont annulé ma venue sur le plateau… Cela en dit long sur la manière d’informer les Français sur un sujet aussi préoccupant.

Dans quel état d’esprit êtes-vous alors que le président annonce un projet de loi pour l’été ?

Je reste très inquiète. Le président continue de ne pas se prononcer, sur un sujet grave de société : il le traite finalement à la légère. Le bien commun doit l’emporter, or, la tenue de la Convention citoyenne s’est faite de manière hypocrite. Lorsqu’on demande aux gens en parfaite santé de choisir entre être aidé à mourir, si vous devenez comme un légume, ou non, c’est sûr que l’on obtient la réponse que l’on veut : oui. Et on nous laisse croire que c’est nous qui avons décidé cela… Alors que si on leur pose ainsi la question : « Si vous êtes dépendants et en fin de vie, mais que vous êtes confortables, accompagnés jusqu’au bout, avec la présence de votre entourage », la réponse ne sera pas la même. Les Français doivent ouvrir les yeux, le gouvernement les manipule.

Pour vous, la Convention est-elle une manière de déresponsabiliser le chef de l’État ?

Le devoir du gouvernement, c’est de s’occuper particulièrement des plus faibles, or pour s’occuper de nous, on nous dit qu’on va nous aider à mourir. Est-ce vraiment notre préoccupation actuelle, de savoir comment s’auto-tuer ? Nous sommes tous faits d’un corps, et la souffrance nous atteint tous. Qui n’a pas connu la souffrance ? La question centrale, c’est d’abord celle-ci : que me propose-t-on pour vivre mieux ? Le chef de l’État est à la tête d’une société adolescente et s’appuie sur elle pour légiférer. Il ne veut pas porter de responsabilité, et se rassure aujourd’hui encore en disant : « Regardez les résultats de la Convention citoyenne. » Mais il ne se remet pas en question : il s’en lave les mains. C’est une faute de responsabilité.

Recueilli par Marilyne Chaumont, 3 avril 2023

(1) Alors que la Convention citoyenne a rendu ses résultats finaux hier dimanche 2 avril, le président a promis un projet de loi d’ici l’été, tenant compte des résultats, à la fois très axés sur la mise en œuvre des soins palliatifs, mais appuyant majoritairement l’euthanasie et le suicide assisté.

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