Actus

Laurent de Cherisey : « Les personnes avec un handicap sont prophétiques »

portrait de Laurent de Cherisey
© DR.

Cofondateur des maisons partagées Simon de Cyrène, où vivent ensemble des personnes valides et des personnes devenues handicapées en cours de vie, Laurent de Cherisey vient de publier Partager peut tout changer (Salvator). Des conférences sont organisées dans plusieurs villes de France (1).

O&L : Pourquoi avoir voulu écrire ce livre, Partager peut tout changer ?

Laurent de Cherisey : Notre association s’apprête à fêter ses 15 ans. L’idée de ce livre est de témoigner de ce qui se vit à l’intérieur de nos maisons partagées. Il y a trois ans, nous avons organisé des groupes de parole au sein de chacune de nos colocations, entre personnes avec un handicap, des volontaires et des associations amies. L’élément le plus saillant qui en a émergé, c’est que la plus grande souffrance vécue par les personnes avec un handicap n’est pas le handicap lui-même, mais la solitude.

En quoi ce constat interpelle notre société ?

L.C. : La présence des personnes handicapées conduit la société à se poser la question du sens de la vie humaine. Depuis les années 1980, beaucoup de progrès dans la médecine d’urgence ont été réalisés. De nombreuses personnes, qui jusqu’alors décédaient, ont pu garder la vie sauve, mais non sans séquelles, parfois avec de lourds handicaps. C’est le cas de ma sœur, Cécile, devenue handicapée à cause d’un accident. Dans notre société centrée sur la performance, ces personnes ont souvent le sentiment de ne pas trouver leur place. En dehors de la puissance, du pouvoir, du « faire », la vie humaine n’aurait-elle donc pas de valeur ? Ce qui caractérise un être humain, avant tout, c’est sa capacité à « être ». Nous sommes tous des êtres de relation, faits pour aimer et être aimés. En cela, les personnes avec un handicap sont prophétiques. Elles nous prennent par la main pour nous rappeler à notre essence humaine. Cela est une source de joie profonde.

Pouvez-vous nous donner un exemple singulier de ce qui se vit dans une maison Simon de Cyrène ?

L.C. : Il y en a tant… ! Mais je sais que beaucoup de personnes sont interpellées par la gestion du temps dans nos maisonnées. Chez nous, pour reprendre une expression souvent employée, « le temps est suspendu ». On prend le temps de vivre les choses. Et c’est loin d’être facile ! Je me souviens, un jour, avoir été invité chez une femme, Amélie. Je me demandais ce qu’elle me voulait, j’imaginais déjà un problème supplémentaire à gérer… Rien de tout cela, elle désirait juste m’inviter à boire une tasse de thé dans son studio et prendre le temps de discuter. Quelle leçon !

Petit-déjeuner dans une maison partagée de Simon de Cyrène @ DR.

L’individualisme grandit dans notre monde. À côté, fleurissent de nombreuses initiatives, comme Simon de Cyrène, portées sur le partage, la vie en communauté… Quel regard portez-vous sur cette société paradoxale ?

L.C. : Il faut la regarder avec espérance. On n’a rien inventé avec Simon de Cyrène. L’Esprit saint a soufflé ! Nous n’avons fait qu’adapter des modèles préexistants à notre époque. Je pense par exemple aux béguinages, ces regroupements de logements individuels en lieux clos où vivaient des religieuses. Si de tels jaillissements de vie abondent dans notre société individualiste, un terrain de créativité immense s’offre à nous.

Recueilli par Guillemette de Préval, ombresetlumiere.fr – 23 mars 2023

  • Dates des conférences : le 23 mars à Paris (collège des Bernardins) ; le 28 mars à Nantes ; le 12 avril à Lille ; le 27 avril à Dijon ; le 4 mai à Marseille ; le 10 mai à Saint-Malo ; le 25 mai à Bordeaux.

Plus d’infos sur : simondecyrene.org

Partager