Sur les lèvres

Le bon métier ?

une femme travaillant sur son ordinateur
© Istock

Il y a des fois où le métier de journaliste me fatigue. Trop d’informations, trop de mauvaises nouvelles, trop d’exigence vis-à-vis de la profession… Nous, les jeunes journalistes, devons toujours produire plus d’articles pour le web. Il m’arrive parfois de rêver à un autre métier où tout serait plus simple et, surtout, plus humain.

Pourtant, j’avais choisi cette voie en raison de son intérêt pour les histoires des autres, de sa quête infatigable pour la vérité, et par amour pour l’écriture. Force est de constater que parfois les jours se ressemblent, où l’on doit répondre à des attentes qui ne correspondent pas toujours à nos aspirations. Passer huit heures derrière l’ordinateur n’est pas toujours enthousiasmant, surtout quand on se dit que la place du journaliste est d’être sur le terrain.

Nous vivons dans un monde de plus en plus connecté, où, paradoxalement, nous allons moins à la rencontre des autres. Le contact direct avec les passants du coin se fait plus rare. Doit-on pour autant déplorer cette omniprésence de la technologie dans nos vies ?

Je me rappelle alors que le métier n’aurait pas été aussi accessible pour la personne sourde que je suis. Sans ordinateur, sans réseaux sociaux, sans smartphone, sans Bluetooth, je n’aurais pu exercer mon métier de manière aussi fluide. Comment aurais-je pu rapporter l’information sans compréhension auditive du monde qui m’entoure ?

Grâce à la dictée vocale de Word, j’arrive à mener mes interviews en prenant seulement quelques notes, de même quand je me déplace en reportage. Je peux écouter pleinement la personne que j’interviewe. C’est ainsi que j’ai passé deux heures à discuter avec une romancière connue, qui s’est confiée à moi à cœur ouvert. J’en ai tiré un long entretien dont je suis fière. J’y reconnais mon sens de l’écoute et ma curiosité de l’autre. Je téléphone grâce à l’application Roger Voice, qui me change la vie au quotidien, notamment quand il s’agit de mener des démarches administratives. Et ce, sans l’aide de quelqu’un.

Cela fait gagner du temps, mais surtout de la disponibilité intérieure. Oui, parce que la technologie évince la charge mentale – pour demander de l’aide, mais aussi les côtés chronophages du métier. Je peux me concentrer sur mon écriture, les sujets qui me tiennent à cœur et ma vie personnelle.

J’ai appris récemment de quelqu’un qu’aucun métier n’était parfait. Et c’est vrai. Maintenant que mes difficultés liées au téléphone ou à l’information sont plus ou moins réglées par la technologie, j’essaie désormais de déployer petit à petit mes talents d’écriture au service de quelque chose de bon, de bien et de grand.

Aliénor Vinçotte, ombresetlumiere.fr – 22 janvier 2024

Portrait d'Alienor Vinçotte

Sourde de naissance, Aliénor Vinçotte est diplômée de Sciences Po et journaliste.

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