«Le but de ce film, c’est que les cœurs s’ouvrent»

Franck (Ary Arbittan) avec sa petite fille trisomique.
©WONDER FILMS/ M6

Stéphanie Pillonca est la réalisatrice du téléfilm « Apprendre à t’aimer », diffusé mardi 8 septembre sur M6, qui raconte l’histoire d’un couple qui découvre à la naissance la trisomie de leur enfant. A ne pas manquer !

Pourquoi ce film, après votre documentaire sur la danse inclusive, « Laissez-moi aimer », l’an dernier ? Avez-vous une proximité personnelle au handicap ?

J’ai en effet réalisé plusieurs films sur le handicap pour Arte. A ces occasions, j’ai rencontré des pères d’enfants trisomiques 21. Et j’ai voulu m’intéresser au point de vue des papas qui ont souvent un cheminement bien particulier avant d’être en paix devant l’arrivée d’un enfant différent.

Je n’ai pas de lien personnel avec le handicap ; cela relève pour moi de l’envie de parler de ces personnes que l’on a trop souvent tendance à ignorer, cacher… Je pense qu’une société forte et humaine doit valoriser les différences et être attentive aux plus vulnérables. On a tous à gagner en grandeur d’âme si notre regard change.

Comment avez-vous travaillé pour être au plus proche du réel sur un sujet si délicat ?

J’ai travaillé avec l’association Trisomie 21 Var ; et avec l’association Au nom de la danse, avec laquelle je travaille depuis mon film précédent. Ces associations sont en contact avec des centaines de familles. J’ai voulu écrire le scénario avec des anecdotes vécues, des histoires vraies, des témoignages. J’ai voulu aussi travailler sur le tournage avec le tissu associatif, si bien que beaucoup de personnes trisomiques sont acteurs dans le film.

Qu’est ce qui vous a touché dans cette expérience ?

Ce qui m’a touché c’est de me dire que tout est possible, dès lors que l’on a envie de le faire… Ça m’a conforté dans le fait de reconnaître dans les personnes plus vulnérables des guides pour les valides ; ils nous aident à grandir dans notre âme, notre spiritualité, etc. Ces personnes sont nécessaires et bénéfiques.

Le film s’attache à décrire l’évolution différente du père et de la mère… La peur du handicap serait-elle plutôt masculine selon vous ?

En tout cas, dans ce que j’ai pu entendre et observer, les hommes ont effet l’air de moins bien « encaisser » la survenue du handicap. La femme a un côté très sacrificiel, l’homme a besoin de temps, il est d’abord dans la déception. Il a un chemin qui est plus long pour accepter l’imparfait, ce qui a l’air d’être une petite mort, un échec.

Vous avez signé une tribune cet été contre le DPI A ; votre film est-il aussi une interpellation contre la tentation eugéniste de notre société ?

Il y a un vrai gap entre ce que les politiques souhaitent faire voter et ce que les gens pensent… Depuis que le film est annoncé, avec des vidéos vues plus de 5 millions de fois, et tous les témoignages reçus, pas une seule personne ne m’a dit qu’il fallait « traquer » ces personnes. Le peuple sait se positionner dès lors qu’il s’agit de bien commun, de bon sens, de famille et d’enfance.

Comment expliquez-vous l’intérêt suscité par le film avant même sa diffusion ?

Notre but, ce n’est pas l’audimat, mais que des cœurs s’ouvrent. En ces temps de pandémie, de tensions en tout genre, les gens ont besoin de paix, de ne plus être dans le conflit. Ils ont juste envie d’aimer, d’être aimés, de se réconcilier avec l’existence… Ce qui peut nous unir, c’est la possibilité de nous aimer les uns les autres. Les gens ont soif de ça, maintenant.

Quel public aimeriez-vous toucher ?

J’aimerais toucher un public non initié, un public qui a peur du handicap. Le vrai succès de ce film, ce sera si au lendemain de sa diffusion, un père de famille, un gamin au collège, regarde dans la rue un porteur de trisomie, et lui sourit. Que quelqu’un traverse la rue et lui dise : « Salut mon pote, salut mon frère ». Le vrai succès, ce sera des actes de paix. Les films peuvent être de petits « instruments de paix », comme dit Saint François d’Assise.

Propos recueillis par Cyril Douillet, ombresetlumiere.fr – 3 septembre 2020

Apprendre à t’aimer, un film à voir mardi 8 septembre sur M6 à 21h05. Avec Julie de Bona et Ary Arbittan.

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