Chroniques
Le grand Tetris
Septembre est de retour, déjà, avec la rentrée. Comme souvent, les vacances sont passées à toute allure. Trop courtes pour certains, trop longues pour d’autres.
Juillet, août, après deux mois d’impatience, Roxelane va enfin retourner à son établissement et retrouver un emploi du temps précis, régulier et fiable. Tout ce qui la rassure. Tout le contraire des vacances qui, avec leur lot d’imprévu, de journées décousues, de moments improvisés, perturbent un enfant en recherche de repères fixes : l’autisme s’accommode mal de l’absence de routine et on aurait bien aimé que le handicap prenne des vacances lui aussi.
Sa rentrée à elle s’est faite un mardi, tout sourire, à bavarder en retrouvant les visages connus. On croise les doigts, tout a l’air de bien se passer. Jusqu’au vendredi suivant lorsque je la récupère à la sortie de son établissement, en larmes, avec l’auxiliaire qui tente de trouver les mots justes pour la consoler. Roxelane est prise de panique : pourquoi n’y a-t-il pas classe le lendemain ? Difficile pour elle de comprendre que cette première semaine n’a que quatre jours de classe, et non cinq. Pour nous c’est évident, pas pour elle. Prendre le temps d’expliquer le temps.
Septembre, c’est aussi le redémarrage de toutes les prises en charges médicales et paramédicales. L’emploi du temps sera-t-il suffisamment élastique pour y glisser les créneaux d’orthophonie ou de psychomotricité ? Qui assurera les trajets ? L’enjeu est de concilier les agendas de tout le monde, à la façon d’un Tetris ou d’un mercato. Quand je comprends que la psychomotricienne a modifié ses créneaux du samedi matin pour commencer ses consultations plus tôt, à 8 heures, j’en éprouve à la fois un réel soulagement, mais surtout de l’admiration et de la reconnaissance.
Tout cela s’enchaîne sans oublier le temps professionnel. Comme pour de nombreux parents, il s’agit de faire des compromis, de voir ce qui est négociable tant bien que mal, que ce soit en transparence avec mes interlocuteurs dans le cadre du travail sur la question du handicap, ou bien sans leur en souffler mot. Tout l’art de limiter l’impact du handicap sur la vie professionnelle.
Ce dimanche, lorsque je l’ai réveillée, Roxelane me demande : « quel jour est-on aujourd’hui ? ». Je lui réponds, et j’ajoute qu’on va savourer chaque instant qui va se présenter. Pas sûr qu’elle comprenne vraiment, mais cette seule perspective me fait du bien.
Guillaume Kaltenbach, ombresetlumiere.fr – 12 septembre 2023
Guillaume Kaltenbach est père de trois enfants dont Roxelane, 14 ans, atteinte de troubles du spectre autistique. De confession protestante, ce chef d’entreprise est impliqué dans différentes initiatives professionnelles et bénévoles visant l’amélioration de l’inclusion des personnes en situation de handicap.