Un pas de biais

Le handicap des valides

discussion entre une femme en fauteuil roulant et une femme valide.
© Istock.

L’autre jour, un ami IMC m’interpelle : « J’ai écouté une émission autour de l’accompagnement des personnes handicapées. Cette émission était très bonne. Ce qui me fait bondir, en revanche, c’est cette phrase de l’un des intervenants : « Il est heureux que dans des situations difficiles, des cas lourds, les parents ne soient pas seuls ». Nous ne sommes pas des cas lourds mais bel et bien des personnes faisant partie de l’espèce humaine ! »

Ce cri du cœur m’a touchée. Oui, parler de « cas », c’est assez violent : la personne peut sembler réduite à un objet de laboratoire…

« Ne t’inquiète pas », dis-je à cet ami en riant, « les maladresses de langage, à notre égard, il y en aura toujours. C’est pour ainsi dire, le handicap des valides » ! Mon ami est reparti avec le sourire, apaisé.

Bien sûr, nous sommes tous capables de maladresse, qui que nous soyons. Mais parfois, le fait de parler d’une situation sans la connaître de l’intérieur, peut relever du handicap : car tout un pan d’expérience, de vécu intime nous manque – ce vécu qui permet à une personne d’être en communion spontanée avec la sensibilité des autres. Certains arrivent à compenser ce manque par une empathie, une délicatesse dans le choix des mots. D’autres pas…

« Mais alors, que faut-il faire, que faut-il dire pour ne pas vous blesser ? Car si on ne dit rien, vous nous reprochez notre silence. Et si l’on dit quelque chose, c’est souvent maladroit. On marche sur des œufs ».

En effet. Nous, les personnes handicapées, sommes parfois tellement à vif et mises à mal par les difficultés de la vie quotidienne que nous avons du mal à passer outre les maladresses de langage ; et nous faisons rapidement le raccourci : ce que l’on dit de ma situation, c’est ce que l’on pense de moi. Nous nous faisons ainsi, bien malgré nous, les artisans de notre propre enfermement

Alors, quelle est l’issue ? Les maladresses des uns, l’hypersensibilité des autres, seront toujours là. Elles peuvent être estompées, mais non pas gommées. Il me semble qu’il n’y a qu’une seule réponse qui soit porteuse de vie : celle du dialogue. Essayer de s’ajuster les uns aux autres. Permettre aux personnes handicapées d’exprimer leur souffrance, voire leur incompréhension, c’est déjà leur apporter une forme de reconnaissance et de réconfort. De l’autre côté, ne s’agit-il pas de faire preuve d’un peu d’indulgence, parfois d’humour, face aux maladresses ? Ainsi pourra s’ouvrir pour tous un chemin de vie.

Cécile Gandon, ombresetlumiere.fr – 02 novembre 2021

portrait de Cécile Gandon

Porteuse d’un handicap moteur, Cécile Gandon travaille dans l’associatif. Elle est l’auteur de « Timéo et sa drôle de famille » (Téqui).

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