Sur les lèvres
Le son du silence
Le bruit est omniprésent dans nos vies et nous sollicite sans cesse : la sonnerie du métro qui retentit à chaque station, la bouilloire qui siffle dans la cuisine, les portes qui claquent, les voix qui bourdonnent, les enfants qui chahutent. Lorsqu’on porte des appareils auditifs, on peut les éteindre et se payer le luxe du silence. Mais les vibrations restent, et le bruit est toujours là même si nous ne l’entendons plus avec nos oreilles.
Le bruit peut être intrusif, désagréable, il influe sur les humeurs. Et même en étant sourd, on est malgré nous assujettis à ce monde qui fonctionne à l’oreille.
C’est pourquoi le silence de la nature nous parle. Celui qui se révèle à nous sur les chemins de St Jacques de Compostelle, dans la petite église de campagne, du haut des sommets enneigés, au bord de l’océan. Les appareils auditifs branchés pour mieux percevoir ce silence. C’est paradoxal n’est-ce pas ?
Et pourtant. J’aime ce silence où l’on entend le clapotis de l’eau, la brise légère du vent, le crissement des flocons sous nos pas, le froissement des feuilles des arbres. C’est dans ce silence que les profondeurs de notre âme s’ouvrent. C’est dans ce silence que l’Infini laisse entendre sa voix. C’est dans ce silence qu’on se trouve tous égaux, quelles que soient les marques que la vie a laissées sur notre corps.
Le silence n’est pas simplement le fait de ne pas entendre. C’est se laisser atteindre par la nature qui vient à nous. Se laisser toucher par sa beauté. Et là, on contemple les neiges éternelles du haut de la montagne qu’on a grimpé à la force de nos muscles sur les skis de rando… C’est dans le silence qu’on peut apprécier la présence de l’autre, des amis ou de la famille qui est avec nous dans l’aventure.
Si le silence fait peur parfois c’est parce qu’il laisse souvent percevoir l’indicible… Ce n’est pas un silence qui tue, un silence qui laisse passer des vérités sous cape, mais un silence qui élève, voire qui « révèle ».
Aliénor Vinçotte, ombresetlumiere – 13 janvier 2021
Sourde de naissance, Aliénor Vinçotte est diplômée de Sciences Po et journaliste.