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Les Clubhouse : « On vise 50 % de réinsertion professionnelle »

© Clubhouse – Lille

Conçus comme des lieux pour accompagner des personnes malades psychiques vers la réinsertion professionnelle et sociale, les Clubhouse essaiment en France. Avec ses équipes, Nathalie Lancial, directrice de l’antenne lilloise, déploie toute son énergie pour déstigmatiser ces troubles.  

Comment se vit l’ouverture d’un Clubhouse ?

Pour monter la structure, qui a ouvert chez nous début 2022, j’ai tout de suite souhaité m’entourer de personnes concernées par les troubles psychiques. Un psychiatre m’a transmis des contacts de patients en mesure de s’investir dans un tel projet. Après les avoir rencontrés, nous avons constitué une équipe de huit personnes. Tout a été pensé et conçu ensemble : le plan du local, le mobilier, et jusqu’au design des poignées de porte ! Il ne fallait surtout pas que le lieu ressemble à un hôpital. Le Clubhouse s’apparente plutôt à un espace de « coworking » familial. Dans le même temps, nous avons créé des liens avec des acteurs locaux.

Une fois le Club créé, comment se dessinent les projets et les ateliers ?

Au début, il faut tout penser, ce qui demande un gros travail d’adaptation. Comme les personnes concernées sont celles qui font vivre le lieu, il faut les former pour tout : comment répondre au téléphone ? Comment utiliser des ordinateurs ? Comment accueillir ? Ensuite, les activités fleurissent sur proposition des bénéficiaires, qui savent ce dont ils ont besoin : un groupe de travail sur l’emploi, des ateliers d’écriture, d’anglais, de sport et de lecture… Si personne ne s’engage personnellement, rien ne bouge. Ce qui fait que, naturellement, chacun se mobilise.

Avez-vous des critères d’accueil pour les personnes bénéficiaires ?

On exige de toute personne qu’elle soit suivie médicalement. Nous devons nous assurer qu’elle est en mesure de vivre en collectif, qu’elle a un traitement. Il m’est déjà arrivé de devoir appeler quelqu’un en urgence car la personne n’allait pas bien. L’idée étant que nul ne se mette en danger : ni le bénéficiaire, ni nous. Nous avons un collectif fragile. Lorsque quelqu’un ne va pas bien, cela peut fragiliser les autres. Pour chaque nouvelle personne, nous proposons deux demi-journées de test. Cela permet de se rencontrer, de voir son degré d’autonomie, de s’assurer que la situation ne la mettra pas en échec.

Depuis son ouverture, comment se passe la vie du Club ?

Il y a une belle énergie ! Nous comptons déjà 230 membres inscrits. Chaque jour, une trentaine de personnes viennent au local. Nos membres sont âgés de 19 à 74 ans, autant de femmes que d’hommes. Comme nous avons ouvert après le Covid, beaucoup de jeunes se sont tournés vers nous. Un quart de nos bénéficiaires a moins de 30 ans. La moyenne d’âge est de 42 ans. Tous les milieux sociaux sont représentés, même s’il y a une surreprésentation de personnes avec un parcours cabossé, ayant vécu des traumatismes, vivant de façon précaire, avec peu de liens familiaux. Tout le monde s’entraide. Le taux de réinsertion professionnelle est de 43% (stage, alternance, CDD, CDI…). C’est très encourageant. On vise les 50% cette année.

Quels sont vos prochains grands défis ?

Le nerf de la guerre, c’est de trouver des soutiens. Nous sommes financés pour moitié par des subventions publiques de l’Agence régionale de santé. L’autre moitié est financée par des fonds privés. Chaque Clubhouse doit gérer sa trésorerie. Un autre défi, c’est celui de diversifier notre panel d’entreprises partenaires. Il y a encore un gros travail à abattre pour déstigmatiser les troubles psychiques. Pour beaucoup d’employeurs, accueillir une personne dans un fauteuil roulant, c’est faisable. En revanche, la maladie psychique, par essence invisible, c’est tout de suite plus compliqué. Elle pâtit encore de nombreuses fausses idées. On parle parfois du burn-out et de la dépression, mais peu du reste. Il faut faire se rencontrer ces mondes. Derrière ces mots qui, légitimement, font peur, il y a des personnes. Tout est dans la rencontre. Soignées, les personnes atteintes de troubles psychiques sont stables et connaissent les aménagements dont elles ont besoin. Mais je suis optimiste ! Je constate de belles avancées. L’entreprise prend conscience que le handicap psychique n’est pas un sujet extérieur à elle. Il fait partie intégrante de la vie professionnelle. Elle a intérêt à se former et à s’y intéresser pour faire attention à la santé mentale de ses équipes, pour améliorer le maintien en poste de salariés qui peuvent connaître, comme une personne sur cinq au cours de sa vie, un épisode de trouble psychique. Le fait que la santé mentale soit annoncée comme « Grande cause nationale 2025 » me réjouit. Le débat va davantage s’ouvrir. 

Recueilli par Guillemette de Préval

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