Actus

Lil Skuna : « Prends des gants de boxe et combats la vie ! »

Avec ses nombreux abonnés sur les réseaux sociaux, Lil Skuna, 24 ans, ne craint pas de montrer son handicap musculaire. Convaincu que la qualité d’un regard se joue pour beaucoup dans la façon d’entrer en relation, ce Seine-et-Marnais cultive une joie audacieuse.

« Les regards des gens ont commencé à se poser sur moi lorsque j’ai définitivement perdu ma mobilité. Ma maladie s’est déclarée à l’âge de 3 ans mais j’ai pu marcher jusqu’à mes 8 ans environ. Jusque-là, tout était normal. C’est ma sœur qui a soupçonné qu’il y avait quelque chose car, lorsque je courais, je tombais souvent. Ma tête était lourde comparée à mon corps. On m’a détecté une polymyosite, une maladie musculaire dégénérative. Enfant, je ne faisais pas attention aux regards des autres. Cela ne m’atteignait pas. Mes parents et mes frères et sœurs y étaient plus sensibles.

Au collège puis au lycée, le regard des filles a été plus compliqué à gérer. Certaines me faisaient comprendre que mon handicap pouvait les déranger. Cette question m’a beaucoup travaillé. Je me demandais ce que j’avais fait pour mériter ça.

Quand je suis arrivé au collège, à l’âge où l’on fait attention à soi, j’ai senti que j’étais observé, mais pas de façon malveillante. Certains se posaient des questions sur ce que j’avais. Comme je suis sociable, cela ne me dérangeait pas d’aller leur en parler, sans attendre qu’ils me posent la question. En revanche, au collège puis au lycée, le regard des filles a été plus compliqué à gérer. Est-ce que je peux leur plaire ? Certaines me faisaient comprendre que mon handicap pouvait les déranger. Cette question m’a beaucoup travaillé. Je me demandais ce que j’avais fait pour mériter ça.

J’ai toujours eu la chance d’être bien entouré. Le fait de parler de mes questionnements m’a aidé. Mes proches m’ont fait comprendre que rien n’était de ma faute. Eux m’aimaient tel que j’étais. Je pense m’être totalement accepté vers 18 ans, lorsque j’ai su m’ouvrir à une fille et j’ai vu que ma différence ne la dérangeait pas. Grâce à son regard, j’ai accepté mon corps. Je n’en avais plus rien à faire du regard des autres désormais ! Je sentais que j’étais différent, mais différent comme tout le monde l’est. Cette différence me limitait peut-être dans certaines choses mais elle ne pouvait en rien m’empêcher de vivre et d’aimer. 

Grâce à son regard, j’ai accepté mon corps. Je n’en avais plus rien à faire du regard des autres désormais.

Accepter son handicap

Un regard bienveillant peut être intrigué. C’est par exemple cette personne qui nous regarde mais, une fois la surprise passée, nous sourit et veut créer du lien. C’est un regard qui ouvre, qui entre en relation. Le regard malveillant c’est celui où l’on a le sentiment d’être fixé. C’est une curiosité mal placée. Un regard qui témoigne de sa peur de la différence. Honnêtement, cela m’est rarement arrivé. Je crois que je dégage quelque chose de positif, qui dépasse mon handicap. Je suis loin d’être parfait mais je ne me morfonds pas sur ce qui m’arrive.

Le fait d’accepter son handicap joue beaucoup. Je me souviens avoir rencontré une personne à qui il manquait quelques doigts. Elle n’était pas bien dans sa peau. Elle était très renfermée, on voyait qu’elle ne voulait pas être approchée. Elle me faisait part des regards pesants de certains. Je comprends ce mécanisme d’auto-défense, il est courant dans le handicap, mais au lieu de nous protéger, ce réflexe enferme. C’est un cercle vicieux. Si la personne accepte son handicap, les regards des autres l’atteignent moins. 

Précurseur sur Instagram et TikTok

Je suis très présent sur les réseaux sociaux, principalement Instagram (69 000 abonnés) et TikTok (790 000 abonnés) Les premières vidéos, je montrais seulement mon visage. Au bout de la vingtième, j’ai osé montrer mon fauteuil. J’ai eu de nombreuses questions à ce sujet. Alors, sans réfléchir, j’ai parlé très simplement de mon handicap. Cela a eu un gros succès, j’étais complètement dépassé ! Je recevais beaucoup de messages d’encouragements et puis, au fur et à mesure, d’autres questions sur mon quotidien de jeune homme handicapé. Constater que des personnes pouvaient aimer ce dont je témoignais, sans me connaître personnellement, m’a beaucoup marqué.

Quand je me suis lancé sur les réseaux, peu de personnes handicapées étaient présentes. Je ne connaissais qu’Arthur Baucheron, jeune homme handicapé moteur qui témoigne de son quotidien. Au départ, des jeunes collégiens me suivaient. Puis, au tour de parents avec un enfant handicapé. Ils venaient chercher des conseils sur la manière d’être avec leur enfant. J’ai aussi reçu de nombreux retours de la part de médecins. Sans le chercher, je suis devenu une sorte de porte-parole. J’ai été invité à de nombreux évènements. Le handicap, en l’acceptant et en apprenant à en parler, devient une force.

Comme tout le monde, j’ai des coups de mou, je ne suis pas « le gars qui sourit tout le temps » mais mon handicap ne me ralentit pas. Toute cette expérience m’a aidé à poser un regard bienveillant sur moi. Ça a augmenté ma confiance. Cela transparaît dans mon style. J’ai des colliers, des diamants et des piercings partout ! On me regarde autant parce que je suis en fauteuil que parce que je suis un peu farfelu et j’aime bien ça ! Cela créé une autre identité autre que celle d’être handicapé. 

Je suis très présent sur les réseaux sociaux, principalement Instagram et TikTok. Les premières vidéos, je montrais seulement mon visage. Au bout de la vingtième, j’ai osé montrer mon fauteuil.

Dieu à nos côtés

Si j’ai assez tôt accepté mon handicap, mes proches ont pu avoir plus de mal. Je pense à mon père, qui était triste que je sois en fauteuil. Ils ne supportaient pas le regard des gens sur moi. Puis, petit à petit, il a accepté en constatant que je me débrouillais et que je savais me défendre si besoin. Si les proches sur protègent trop, à force, chacun risque de s’enfermer. Ma petite sœur a toujours un peu de mal avec le fait que les gens me regardent. Il y a un mélange entre « oh, il est handicapé » ou « oh, c’est celui de TikTok » qui n’est pas toujours évident à assumer. 

Le regard sur soi, celui des autres sur soi, je sais que c’est compliqué. Mais je suis convaincu qu’on peut parfois connaitre le plus bas pour vivre le meilleur ensuite. Une personne atteinte dans son corps par un handicap ou une maladie doit comprendre qu’elle n’est pas si différente. Mais il ne faut pas attendre une situation ou une personne, sinon, une distance et une rancœur risquent de s’installer. Il faut s’accepter petit à petit. Quand on traverse quelque chose, je suis sûre qu’on peut les surmonter. Je n’ai pas d’appartenance religieuse mais j’ai l’intime conviction que Dieu se tient toujours à nos côtés. Mon Dieu m’appelle à prendre soin de mon prochain. Alors, prends des gants de boxe et combats la vie !

Recueilli par Guillemette de Préval – 5 novembre 2024

Partager