Restons poly

Ma fille, mode d’emploi

une jeune polyhandicap et une femme à son écoute.
© Istock.

Marie Océane ne parle pas, mais elle a quelques gestes signifiants – encore faut-il le savoir et les reconnaître. Dépourvue de motricité fine, elle ne peut se servir ni de la méthode Makaton, ni des pictos.

Ou alors, il faudrait avoir une immense patience pour suivre son regard et attendre une réponse, qui n’est pas toujours évidente.

Dès lors, si Marie Océane a la chance de partir en week-end avec l’association À bras ouverts, ou lorsque des amis viennent la garder à la maison, je leur fournis un « mode d’emploi » de ma fille, sous forme d’un déroulé d’une journée type, avec en prime une fiche : « en cas de crise d’épilepsie : que faire ? » + « les allergies de MO » + « les gestes signifiants, son mode de communication non-verbal ».

C’est simple en apparence, mais cela fait gagner du temps à tout le monde, et moi ça me rassure : je la laisse plus volontiers en sachant qu’ils la comprendront plus vite, malgré son polyhandicap lourd. Ils verront plus vite quelle fortiche elle est. Oui, ma fille est carrément forte d’avoir réussi, en dépit de toutes ses difficultés, à inventer des gestes pour dire des choses. Je suis très fière d’elle.

Si on ne la connaît pas, si l’on n’est pas habitué au polyhandicap, les choses paraissent difficiles au premier abord : ma fille ne marche pas, ne mange pas toute seule, ne parle pas. Comment l’aborder ? Comment l’entendre et que faire avec elle ? Il faudrait à chaque personne beaucoup de temps avant de pouvoir la comprendre. À première vue, elle semble ne rien savoir faire, ni dire, ni penser… Et ça, c’est faux. J’en suis convaincue. Ce n’est pas parce qu’elle ne parle pas qu’elle ne pense pas, ou qu’elle n’a rien à dire. Elle n’a simplement pas notre langage. Elle ne peut pas venir vers nous ? Allons vers elle ! Les personnes qui ont vraiment la volonté d’essayer de la comprendre, me le disent – « mais si, elle se fait très bien comprendre ! on a saisi ce qu’elle ne voulait pas, ou au contraire on a compris qu’elle adorait écouter de la musique… » Avec cette volonté d’aller à sa rencontre, on sait vite quelques petites choses d’elle, sans son mode d’emploi. Mais c’est plus facile et plus rapide avec, et c’est plus agréable pour elle.

Ce mode d’emploi me fait réaliser tous les petits gestes signifiants, tous les moyens mis en œuvre par ma fille pour communiquer coûte que coûte. Comme parents, il nous donne la mesure, chaque année, des progrès accomplis quand on le réactualise. Et quel gain de temps pour ceux qui vont s’occuper d’elle : tout bénef !

Caroline de Saillet, ombrestlumiere.fr – 4 décembre 2023

Psychomotricienne par vocation, Caroline Saillet a toujours été proche des personnes porteuses de handicap. Mariée à Hubert Saillet, notre ancien chroniqueur, elle est mère de cinq enfants, dont Marie Océane, polyhandicapée. Bricoleuse, créative, un peu hyperactive, elle dévoile des recoins du quotidien et des réflexions sur le polyhandicap en partant de son expérience.

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