Chroniques

Mettre au loin mes doutes

Portrait de Guillaume Kaltenbach

Septembre. La rentrée scolaire revient déjà avec son lot de nouveautés et ses rituels immuables. Profitant de l’atmosphère encore estivale, j’aime aborder ces journées avec un regard renouvelé sur tout ce qui m’attend, comme si les vacances avaient accompli une opération de tri efficace. Pour Roxelane, la rentrée est à la fois le moment que je redoute et la période que j’attends avec impatience. 

Comme pour de nombreux autistes, les changements de rythme sont déstabilisants et source de fatigue. De façon paradoxale, ce sont plutôt les vacances qui occasionnent de telles perturbations, car elles font sortir du rythme ordinaire. Avec la rentrée, au contraire, nos enfants retrouvent un environnement connu, du moins tant que l’établissement reste le même.

Il y a quelques années, la rentrée ne s’était pas si bien passée. Pour rassurer Roxelane et lui donner des repères, nous avions mis en lumière les éléments qu’elle allait retrouver, comme la cour, les bâtiments, la cantine. En revanche, nous étions complètement passés à côté des nouveautés qui nous semblaient aller de soi : une nouvelle salle de classe, des camarades différents, un emploi du temps autre. Ces points sont d’une importance capitale pour elle, et j’avais sous-estimé ce type de rigidité. Elle imaginait retrouver les choses à l’identique. Elle était perdue. Depuis, j’ai pris le réflexe de prendre les devants et de lui expliquer ces inévitables changements quelques jours avant le retour en classe.

Mes rigidités sont ailleurs. De façon classique, je m’inquiète de la présence ou non de l’auxiliaire de vie scolaire. Les enseignants comprendront-ils les difficultés de mon enfant ? Ma fille fera-t-elle une crise dès le premier jour comme il y a deux ans ? J’en profite pour vérifier que le numéro de téléphone du collège soit bien enregistré dans mon portable, tout en espérant secrètement qu’il ne sonnera jamais. 

Je pourrais facilement me poser tout un tas de questions, ruminer tous les doutes qui m’accablent, ressasser à longueur de journée toutes les imperfections du système éducatif et médical qui est proposé aux enfants en situation de handicap. Eh bien non, face à ces pensées stériles, je préfère rester sous l’atmosphère du soleil de l’été et me confier à cette forme de grâce venue mettre au loin mes doutes et mes peurs. C’est avec une confiance renouvelée que je viens me placer pour remettre Roxelane à toutes les personnes qui vont l’accompagner et la faire grandir pendant ces prochains mois.

Guillaume Kaltenbach, ombresetlumiere.fr – 9 septembre 2024

Guillaume Kaltenbach est père de trois enfants dont Roxelane, 15 ans, atteinte de troubles du spectre autistique. De confession protestante, ce chef d’entreprise est impliqué dans différentes initiatives professionnelles et bénévoles visant l’amélioration de l’inclusion des personnes en situation de handicap.

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