Chroniques
Noël inhabituel
A ceux qui partageaient notre dinde ce soir-là, j’avais envie de dire, s’il n’y avait qu’un jour difficile dans l’année, ce serait Noël. Ce jour-là, la douleur se réveille. Quand notre enfant part se coucher trop tôt, tandis que les cousins du même âge, en déballant leurs cadeaux, nous renvoient à ce qu’elle aurait pu être. À ce qu’elle n’est pas, à ce qu’elle est aujourd’hui. À ce que vous pouvez faire avec vos autres enfants et qu’on ne peut pas faire. Nous l’aimons comme elle est, mais à Noël, c’est dur. Sa fragilité, son épilepsie qui se réveille quand elle est fatiguée, quand il y a trop de monde, trop d’émotion, nous le rappellent.
Nous voudrions être présents pour chacun de nos enfants qui ouvre ses cadeaux, mais nous devons rester vigilants et aller la coucher à la moindre alerte. Forcément, on en loupe des Noël… Nous savons bien cacher nos larmes derrière un sourire qui convient. Mais la douleur est là, personne n’y peut rien. Vous pourriez alléger notre peine, la partager : il faudrait venir la coucher avec nous. Poser une main sur notre épaule, donner un sourire qui nous soutient, un petit mot glissé dans nos
cadeaux… Changer vos habitudes en fonction de son état, ce serait déjà un beau cadeau.
Et si elle peut encore rester avec nous ce soir, donnez-lui votre cadeau dans sa main. Cela vous inviterait à la toucher, à lui parler, à la regarder.
Donnez-lui à manger, pas pour nous rendre service, seulement pour vous faire plaisir.
Pensez au Christ quand vous vous occupez d’elle, car elle est le Christ souffrant, petit et oublié.
Regardez-la, car elle est belle, touchez-la, car elle est douce, admirez-la, car elle fait des efforts chaque jour, qu’aucun de nous n’est capable de faire, pour vivre et survivre dans ce monde si peu fait pour elle.
Alors la fête sera plus douce. La soirée sera tellement meilleure pour nous qui l’aimons tant. Noël sera Noël, pour chacun de nous et pour notre fille. Noël sera simple, accueillant, plein d’amour, vrai. Hors de toute habitude. Comme la venue extraordinaire du fils de Dieu dans cette étable, finalement : inhabituel.
Caroline Saillet, ombresetlumiere.fr – 26 décembre 2023
Psychomotricienne par vocation, Caroline Saillet a toujours été proche des personnes porteuses de handicap. Mariée à Hubert Saillet, notre ancien chroniqueur, elle est mère de cinq enfants, dont Marie Océane, polyhandicapée. Bricoleuse, créative, un peu hyperactive, elle dévoile des recoins du quotidien et des réflexions sur le polyhandicap en partant de son expérience.