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Olivier Masson doit-il mourir ?

© Simon Gosselin

Cette pièce restitue sur scène le feuilleton médico-judiciaire de l’affaire Vincent Lambert, en tentant de respecter tous les points de vue. Un objectif louable, entaché par une fin douteuse.

Deux ans après sa mort dans les circonstances que l’on sait, Vincent Lambert est de retour… sur scène. Drame en plusieurs actes, avec des personnages très caractérisés, et des rebondissements multiples, l’« affaire » avait tout pour être transposée au théâtre. Changeant simplement les noms des protagonistes, le dramaturge François Hien a donc repris avec précision les différentes étapes du feuilleton – à l’exception du dénouement puisque le « héros » en état pauci-relationnel est ici tué par une injection létale d’un aide-soignant, avant même l’aboutissement de la procédure légale d’« arrêt des traitements ». Le procès de l’aide-soignant en question donnant lieu à un flash-back sur les péripéties du drame ; médecins, avocats et proches, venant successivement à la barre défendre leurs convictions.

L’intérêt de cette pièce très documentée est double. D’abord, elle remet bien en perspective, avec un petit peu de recul, une histoire complexe, rendue infiniment conflictuelle par les déchirements familiaux et les récupérations militantes qu’elle a occasionnés. Dans un tourbillon de témoignages et de plaidoiries souvent brillantes – les 5 acteurs changeant de costume à même la scène pour endosser tous les rôles -, les arguments s’affrontent dans un débit haletant… laissant poindre par instants des moments d’émotion bienvenus. Mais la pièce vaut surtout par le suspense éthique qu’elle instille, le spectateur étant pris à témoin d’un cas de conscience tragique, ainsi que l’indique le titre. Avec beaucoup d’honnêteté, François Hien restitue les différents points de vue – celui de la mère, de l’épouse, du médecin, sans jamais les caricaturer, et en faisant droit à la dimension spirituelle, presque métaphysique, du drame. Une exigence d’objectivité qui a cruellement fait défaut, au long des années, dans le traitement médiatique de l’affaire…

Alors que le débat sur la fin de vie refait surface, on serait donc ressorti emballé d’une telle prise de risque, si la fin ne venait ternir l’ambition louable du dramaturge. Car si la pièce prétend ne pas « choisir son camp » et laisser le spectateur à sa conscience, elle s’achève par une pirouette fictive et invraisemblable qui met à bas le souci de vérité tenu pendant presque deux heures, et fait triompher in fine une posture amorale bien dans l’air du temps. Dommage…

Cyril Douillet, ombresetlumiere.fr – 16 juillet 2021

Le 16 et 17 juillet au théâtre Gérard Philippe à Saint-Denis (93). Puis : le 7 décembre à Vaux-en-Velin, le 9 et 10 décembre à Nyon (CH), le 8 avril 2022 à la Ricamaire.

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