« On vit autrement, mais on peut bien vivre »
Atteinte d’une maladie neurodégénérative depuis quinze ans, Caroline Brandicourt, 62 ans, vient de parcourir, pendant deux mois, plus de 1000 km pour défendre les soins palliatifs et demander que tous y aient accès. Le même rituel s’est répété chaque jour -une trentaine de kilomètres parcourus et l’installation d’un stand dans une ville étape, à la rencontre des habitants, des patients, des soignants. De retour chez elle à Paray-le-Monial en Bourgogne, entre rangement et lessives, elle revient sur ce périple pour Ombres & Lumière.
« Ce qui m’a le plus marqué au cours de ces deux mois, ce sont toutes les personnes qui sont venues se confier. J’ai ressenti le besoin immense qu’ont les gens d’être écoutés. Cela m’a aussi confirmé que les proches ont tendance à se projeter à notre place, et à nous voir plus souffrants qu’on ne l’est. J’ai retrouvé au gré d’une étape un ami atteint de la maladie de Charcot. Il est terriblement dépendant. Quand je lui ai demandé s’il était heureux, il m’a répondu « oui ». C’est inimaginable pour un valide. La maladie nous force à passer par trois étapes. Le deuil de ce que l’on ne fera plus, l’acceptation de la maladie, puis l’adaptation. On vit autrement mais on peut bien vivre.
Les rencontres que j’ai faites chaque jour m’ont permis de bien comprendre les enjeux et les difficultés des soins palliatifs. Il existe des soins palliatifs à plusieurs vitesses. Il y a des équipes très bien formées, qui arrivent à soulager toutes les souffrances et permettent aux patients d’être très bien accompagnés. Les malades, alors, ne demandent pas à mourir, mais à vivre. Il y a un véritable souci quand on dit à des proches que leur parent va intégrer un service de soins palliatifs, alors qu’en réalité, il va être installé dans un lit étiqueté ‘soins palliatifs’, mais sans rejoindre un service dédié. Si les souffrances ne sont pas apaisées, cela donne à l’entourage une mauvaise idée des soins palliatifs. Mais personne ne leur dit que leur proche n’a pas reçu de ‘vrais soins palliatifs’.
Vingt et un départements n’ont pas encore de service de soins palliatifs. Ce n’est pas normal ! Toutes les rencontres sur le stand, le soir, ont été l’occasion de faire signer des cartes postales à destination des députés et sénateurs, pour demander l’ouverture d’unités de soins palliatifs. Les personnes présentes pouvaient aussi signer l’appel de Philippe Pozzo di Borgo « Nous sommes tous 100% vivants ». Il y a vraiment un manque de personnel. Ma crainte est que les plus fragiles croient qu’ils pèsent sur leurs proches, qu’ils sont un poids pour la société. Que le personnel débordé n’ait plus le temps de leur montrer qu’ils comptent pour quelqu’un. Quel que soit son handicap, on reste jusqu’au bout une personne digne d’être respectée. »
Propos recueillis par Christel Quaix