Une vie de papa
Patience et longueur de temps…
Avec l’adolescence, le rythme de la vie quotidienne de Roxelane s’est ralenti de façon spectaculaire. Nous n’y étions pas préparés et avons été pris de court.
S’habiller, faire sa toilette, prendre un repas, elle suivait grosso modo jusqu’à présent le tempo de la famille, à sa façon. Ce n’est plus le cas désormais : tout est devenu plus lent. À cette occasion, un mot a pris une réalité nouvelle dans ma vie, le mot patience.
Au début, il me paraissait évident que ce ralentissement n’allait être que passager. J’ai alors tenté différentes stratégies pour qu’elle retrouve sa vitesse d’avant. Suivant les approches classiques en matière d’autisme, j’ai mobilisé les renforçateurs qui la motivent habituellement, comme la musique, pour l’inciter à aller d’étape en étape sans perdre de temps. J’ai eu peu de succès au final, et j’ai dû me faire une raison. C’est à nous de nous adapter au rythme qui est le sien, en anticipant davantage les choses et en prévoyant le temps nécessaire à chaque fois.
Ma patience est mise à l’épreuve lorsque j’accompagne Roxelane dans ses rituels quotidiens, en début et fin de journée notamment. Je dois rester proche d’elle, afin de m’assurer que les gestes qu’elle accomplit le sont convenablement. Je sais qu’il lui faut une à deux minutes avant de réagir à une consigne verbale que je lui donne. Toute parole ou attitude qui perturbera la consigne donnée viendra détourner son attention et il faudra recommencer. Même si j’en ai la tentation, il est exclu de regarder mon téléphone portable ou de consulter mes mails. Pour l’emmener vers toujours plus d’autonomie, il n’est pas question non plus que je fasse les choses à sa place, sauf si elle me le demande. Je me suis rendu compte que mon silence et mon attention étaient ses repères.
Tout ceci n’est pas simple quand les autres membres de la famille s’impatientent et que la vie professionnelle bat son propre tempo. Cela devient sportif lorsqu’il faut gérer ces différents rythmes simultanément. Pour moi, il s’agit là du moment le plus éprouvant, car il faut s’adapter sans cesse. Comme une forme de contrecoup, je me vois devenir moins patient par ailleurs, à vouloir que les autres enfants ne perdent pas de temps inutilement et que les horaires soient correctement respectés.
La patience est un apprentissage. Semaine après semaine, je parviens davantage à prendre sur moi et à sublimer les raisons qui, en temps ordinaire, me rendraient sur le champ nerveux et impatient. Je savoure ces moments où je me sens hors du temps, où les contingences sont mises en pause, les valeurs et priorités remises à leur juste place, au service de Roxelane et de sa fragilité.
Guillaume Kaltenbach, ombresetlumiere.fr – 18 novembre 2024
Guillaume Kaltenbach est père de trois enfants dont Roxelane, 15 ans, atteinte de troubles du spectre autistique. De confession protestante, ce chef d’entreprise est impliqué dans différentes initiatives professionnelles et bénévoles visant l’amélioration de l’inclusion des personnes en situation de handicap.