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Philippe Pozzo di Borgo, le dernier souffle
Philippe Pozzo di Borgo s’est éteint cette nuit au Maroc, où il résidait, à l’âge de 72 ans. Rendu célèbre grâce au film Intouchables, relatant sa vie transformée de plein fouet par un accident de parapente qui l’avait condamné à l’immobilité, cet ancien administrateur de l’OCH, engagé contre l’euthanasie ces dernières années, avait livré au monde une magistrale leçon de vie « grâce au handicap ».
« Le handicap permet de développer un second souffle tel un sportif qui, ayant anticipé l’arrivée, conduit avec harmonie la course de la vie. » Le voici désormais arrivé sur la ligne finale, au bout de cette longue course, après avoir répandu un puissant souffle autour de lui. Philippe Pozzo di Borgo, mort cette nuit du 2 juin à l’âge de 72 ans, écrivait ces mots dans une chronique pour notre revue Ombres & Lumière en 1997. Il les a développés grâce à son histoire dans son premier ouvrage, « Le second souffle », publié en 2012, où son quotidien écorché prend un tournant au contact d’Abdel, son auxiliaire de vie issu des bas quartiers. Le récit de cette expérience portait déjà haut cette idée : « le handicap, malgré sa violence, vient faire découvrir l’humanité de notre condition humaine ».
Cette humanité élargie par la fragilité, éminemment portée par le film Intouchables qui retrace son compagnonnage à la suite du livre, c’est l’image qu’il laisse intacte derrière lui. « Philippe Pozzo di Borgo avait un grand sens de l’accueil, quelles que soient les circonstances, se remémore Marc Rouzeau, ancien directeur général de l’APF France Handicap, et co-fondateur avec lui de l’association Simon de Cyrène, qui venait le visiter rue de l’Université pour construire le projet. « Malgré son handicap, il était d’un optimisme à toute épreuve, toujours prêt à dire oui, à donner de son temps, à tous ceux qui étaient en difficulté. Il avait cette grande générosité de sa personne et de son argent ».
Quant à sa foi, malgré la perte de sa femme, elle apparaissait « solide, inaliénable, aiguillant son courage », poursuit Marc Rouzeau.
« Philippe Pozzo di Borgo mêlait une grande bonté à une forte volonté, souligne de son côté Philippe de la Chapelle, ancien directeur de l’OCH, qui l’a beaucoup côtoyé. On sentait dans son immense fragilité une force incroyable. » Il parvenait à entraîner derrière lui, pour construire des projets comme Simon de Cyrène, et plus tard, lever des boucliers de vie face à la menace, imminente, de la mort sur ordonnance. « Philippe Pozzo di Borgo s’est beaucoup engagé contre l’euthanasie, poursuit Philippe de la Chapelle. Jusqu’au bout, il a été un combattant. Il l’avait bien dit : ‘Au cœur de la souffrance, j’aurais été évidemment le premier à dire, débranchez-moi, mais quand je vois ma vie aujourd’hui, je la choisis’. » Il s’était beaucoup investi ces derniers temps au sein du Collectif Soulager n’est pas tuer. Au travers des cris et des chuchotements, il avait découvert très tôt, parmi ses compagnons d’infortune les plus atteints, la valeur de la compassion, vécue jusqu’à son dernier souffle.
Marilyne Chaumont, ombresetlumiere.fr – 2 juin 2023