Une vie de papa

Pied de nez sportif

une partie de foot entre jeunes.
© Istock.

Lors d’un des derniers week-ends, comme j’allais jouer au parc avec les enfants, Roxelane m’a triplement étonné : je me suis rendu compte qu’elle aimait shooter dans un ballon de foot, que la trajectoire était plutôt droite, et qu’elle prenait un certain plaisir à enchaîner plusieurs tirs d’affilée.

Quelques jours plus tard, lorsque ses frères vont à leur entraînement de hockey en salle, le constat est similaire. L’entraîneur voit Roxelane errer passivement sur les bords du gymnase, lui met une crosse entre les mains, et passe quelques minutes avec elle. Elle renvoie la balle qu’il lui lance, à plusieurs reprises. Elle entre dans le rythme, le temps de quelques échanges. Pas besoin de lui expliquer, le geste vient naturellement.

Je me retrouve mis au défi de mes certitudes. Je ne joue jamais au foot avec Roxelane, encore moins au hockey. L’agilité des autres enfants rend quasiment impossible son insertion dans le moindre jeu de ballon, qui va trop vite pour elle. Ses difficultés neuromotrices excluent l’idée du moindre sport collectif. Ma patience est limitée et, malgré les bonnes résolutions qui m’animent de temps à autre, je ne prends pas le temps pour l’emmener bouger et s’essouffler. Ce pied de nez sportif qu’elle m’envoie ces derniers jours, sans le savoir, me rend à la fois bredouille et joyeux. Je le prends comme un petit morceau de bonheur.

Le sport n’est pas si évident dans l’univers du handicap des jeunes enfants. Ils en ont pourtant besoin tout autant que les autres, si ce n’est plus, – pour leur santé avant tout, pour mieux éprouver leurs sensations corporelles, et mieux faire émerger ce qu’ils sont incapables d’exprimer par le langage.

Dans certains établissements, ce n’est pas du tout au programme. Heureusement, de belles rencontres viennent dépasser ces lacunes. Tel maître-nageur fait son défi personnel d’enseigner les rudiments, tel professeur de tennis garde le sourire semaine après semaine, malgré les centaines de gestes chaotiques qui n’évoluent guère. La patience, la douceur et le sourire de ces professionnels, reliés par une forme de foi communicative, fait du bien.

C’est une miette de bonheur de voir Roxelane déambuler à sa façon, un peu perdue, au milieu de la parcelle du parc utilisée comme terrain de foot improvisé. Les enfants jouent leur match sans trop se soucier d’elle, investis à fond dans leur compétition du moment. Les frappes sont puissantes. Survient la minute où le ballon s’arrête à ses pieds. Tous s’arrêtent et attendent, dans un bref répit. Et la voilà qui tire dans le sens qu’elle a plus ou moins décidé. Temps suspendu où le match laisse place à un instant de fraternité silencieuse entre les enfants, face au handicap qu’ils ont deviné et respecté. Pas besoin de leur expliquer.

Guillaume Kaltenbach, ombresetlumiere.fr – 20 novembre 2023

portrait de Guillaume

Guillaume Kaltenbach est père de trois enfants dont Roxelane, 14 ans, atteinte de troubles du spectre autistique. De confession protestante, ce chef d’entreprise est impliqué dans différentes initiatives professionnelles et bénévoles visant l’amélioration de l’inclusion des personnes en situation de handicap.

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