[PODCAST] Laetitia Forgeot d’Arc : « Je mets en avant des personnes qui se battent avec leurs démons »
En janvier dernier, Laetitia Forgeot d’Arc racontait au micro d’Ombres & Lumière son quotidien de maman aidante depuis que son fils est atteint de schizophrénie. Cette fois-ci, l’ancienne directrice de RCF Alsace revient avec son propre podcast. Intitulé « Gueules Cachées », il donne la parole aux personnes atteintes de troubles psychiques. Le premier épisode est en ligne depuis ce lundi 7 octobre.
Ombres & Lumière : Qu’est-ce qui vous a donné envie de créer le podcast « Gueules Cachées » ?
Laetitia Forgeot d’Arc : La maladie de mon fils, 23 ans, diagnostiqué schizophrène en 2022, a été un facteur déterminant. L’irruption de sa maladie a été un choc (Laetitia raconte l’arrivée de cette maladie psychique dans notre podcast « La lumière d’une rencontre », ndlr). De façon improvisée, j’ai un jour enregistré mon fils afin qu’il me raconte ce qu’il avait dans sa tête. J’ai pris la décision de diffuser cet enregistrement pour sensibiliser le grand public à cette maladie. À l’issue de cette diffusion, je me suis aperçue de l’incroyable écho qu’elle avait suscitée, du côté des patients comme de celui des soignants. J’ai décidé de fabriquer ce podcast de six épisodes autour des différents troubles psys, et de donner enfin la parole aux malades plutôt qu’aux aidants et aux experts, à qui l’on donne la parole plus souvent. Pour réaliser ce podcast, j’ai même mis en place une cagnotte en ligne grâce à laquelle j’ai récolté plus de 6 000 euros ! Cela montre bien l’attente du public sur ce sujet.
Donner la parole aux malades est-il le meilleur moyen d’inciter la société à mieux considérer la santé mentale ?
Je pense que libérer la parole, permettre aux malades de parler à la première personne, d’être enfin écoutés, est la meilleure façon de mettre en valeur un récit dont on n’imagine pas la souffrance et le tumulte intérieurs. Il s’agit d’entrer dans cette intimité, de fabriquer un écrin sonore, de faire un beau produit, sans pour autant verser dans le pathos. Pour y parvenir, au cours des entretiens, je prends le parti de ne pas étiqueter le malade : les malades ne sont pas seulement un diagnostic. Il s’agit moins de proposer une galerie de diagnostics que d’offrir à entendre des personnes qui parlent librement d’elles. Les contours des diagnostics sont mouvants et flous. Cela, je l’ai compris avec la maladie de mon fils, dont le diagnostic a été remis en cause plusieurs fois. D’ailleurs, si mon premier épisode se concentre autour d’une femme diagnostiquée bipolaire, je ne m’appuie pas là-dessus dans le titre que je propose (« Réalité augmentée »). Ce qui compte, c’est qu’à la fin, tous me disent la même chose : « Je suis fier de ce que je suis ».
Même si l’on ne s’arrête pas au diagnostic, peut-on connaître les troubles évoqués dans les prochains épisodes ?
Je parle de stress post-traumatique, d’addiction, de troubles alimentaires. Mais surtout, je mets en avant des personnes qui se battent avec leurs démons, c’est ce que je pointe. C’est ce qui compte. C’est ce que raconteront les cinq prochains épisodes qui seront dévoilés tous les quinze jours jusqu’à la fin de l’année. Je prépare même deux épisodes supplémentaires pour janvier prochain. Ces deux épisodes sont fabriqués en partenariat avec l’OCH. Ils auront la particularité d’aborder la question de la place de la spiritualité et de la foi dans les troubles psychiques.
Ces deux épisodes fabriqués en partenariat avec l’OCH seront donc dévoilés en 2025, année où la Santé mentale sera la Grande cause nationale, si l’on se réfère aux propos du Premier ministre Michel Barnier…
C’est important de savoir que l’on parlera davantage de santé mentale. Il y a une telle attente autour de cet enjeu qu’il est temps de mettre un coup de projecteur dessus. Néanmoins, il faut faire attention à ne pas faire une « cosmétique de la santé mentale ». Pour beaucoup, la santé mentale se résume à un équilibre de vie type bien manger, bien dormir, etc. J’espère que l’on parlera de vrais sujets, que l’on parlera de psychiatrie. Les gens auraient-ils adhéré à cette cause si l’on avait annoncé le mot « psychiatrie » comme Grande cause nationale plutôt que le terme « santé mentale » ? Le mot « psychiatrie » fait peur, de tout évidence. J’espère donc que l’on saura inclure les sujets qui font mal l’année prochaine.
Propos recueillis par Damien Grosset
Retrouvez également ci-dessous l’épisode du podcast « La lumière d’une rencontre » sur Laetitia Forgeot d’Arc