Restons poly

Prenons-nous dans les bras

portrait de Caroline Saillet

Je suis allée voir une amie clouée sur son lit après un AVC du tronc cérébral. Elle m’a demandé de la prendre dans ses bras -car plus personne ne le faisait, et elle en éprouvait un besoin vital. J’ai alors pris conscience que nous faisions de moins en moins de câlins à Marie Océane. Notre fille a grandi. Elle passe de son lit à son fauteuil, de son fauteuil à son lit, ou au sol pour jouer. Nous avons vieilli. Et nous ne pouvons plus la porter dans nos bras pour l’enlacer. 

Frédérique, cette amie, m’a fait comprendre le besoin fondamental de chacun d’être pris dans les bras par une personne respectueuse et bienveillante. Elle n’était devenue plus que ce corps soigné par la médecine. 

Quand je l’ai prise dans mes bras, je lui ai apporté tout le soutien dont elle avait besoin, et donné toute mon amitié. J’ai senti qu’elle reprenait son corps et sa vie en main. 

Depuis ce jour, nous avons établi un rituel, Hubert et moi, avec Marie Océane. Chaque matin, celui qui la change et l’habille lui propose un câlin. On l’assoit au bord de son lit médicalisé, et, si elle le souhaite, elle tend les bras, pose sa tête sur notre épaule, et nous l’entourons. Nous chantons une chanson inventée, dite « la chanson du câlin ». Chacun a la sienne.

On mesure même de loin à quel point ce temps est capital pour elle : lorsqu’on lui téléphone à la Maison d’accueil spécialisée (Mas), et qu’elle ne réagit pas par ses petits sons habituels, il suffit de lui chanter « la chanson du câlin » pour qu’elle soit avec nous, et qu’elle accepte de répondre à nos questions.

Ce câlin est aussi très important entre époux. Le seul fait de se prendre dans les bras tous les jours, quelques secondes, nous reconnecte l’un à l’autre et nous redonne l’élan nécessaire pour la journée, loin d’être toujours facile. 

Il a été prouvé qu’un câlin bienveillant et désiré de plus de 20 secondes est bénéfique pour notre corps. Il réduit la pression artérielle et apaise la respiration. Les hormones libérées procurent apaisement et bien-être, et combattent le stress.   

Ne soyons pas avare de ce tout petit temps donné, qui fait tant de bien. 

Pourquoi ne pas offrir ce cadeau connecté à Noël : un câlin entre mari et femme? Un câlin aux enfants, à ceux qui vous entourent? Parfois, la tendresse peut dire ce que les mots ne parviennent pas à exprimer.
L’âme et le cœur sont réchauffés dans cette étreinte. On y trouve un refuge temporaire face aux turbulences de la vie.

Caroline Saillet, 16 décembre 2024

Psychomotricienne par vocation, Caroline Saillet a toujours été proche des personnes porteuses de handicap. Mariée à Hubert Saillet, notre ancien chroniqueur, elle est mère de cinq enfants, dont Marie Océane, polyhandicapée. Bricoleuse, créative, un peu hyperactive, elle dévoile des recoins du quotidien et des réflexions sur le polyhandicap en partant de son expérience.

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