Présence

N. fém. 1. Existence, résidence d’une personne dans un lieu marqué. Avec cette autre définition : face-à-face.

Fin décembre, j’ai assisté à une scène étonnante alors que je participais à un marché de Noël inclusif. A côté de notre stand, une jeune femme revêtue d’un habit de clown à carreaux de toutes les couleurs tenait dans sa main droite une énorme marionnette muette. Amandine raconte les histoires que Mauricette, la marionnette, lui confie. La jeune femme est assise par terre en face d’une petite fille allongée dans un landau et de ses deux parents, de chaque côté. La fillette est handicapée, et je ne sais si elle parle. Ce que je sais, ce que j’ai vu, c’est la qualité de la présence de l’une à l’autre. Amandine est restée assise au sol une bonne dizaine de minutes, souriante, en interaction avec l’enfant, dont je ne voyais pas le visage. On devinait la petite fille réagir à ce que disait la marionnettiste, qui alternait paroles, silences, rires et sourires, toujours. C’était juste beau de pouvoir contempler ce temps suspendu.

J’ai beaucoup repensé à cette scène depuis. Je percevais combien Amandine avait eu la capacité de donner toute la place à la fillette, indépendamment de toutes les personnes qui déambulaient autour d’elles deux. Elle était là, présente, totalement présente, indépendamment du handicap de la petite fille. Elle était présente à la personne de la fillette, c’est tout. C’était là comme un tableau d’artiste. A la relecture de la foi, c’était l’incarnation de la présence du Tout-Autre, celle qu’il me faut apprendre à reconnaître dans ma vie, au quotidien. Là, ce fut facile ! En ce début d’année, quels vœux formuler sinon cette qualité de présence les uns envers les autres ? Sachons donner cette présence qui rend notre monde plus humain, là où nous sommes, avec ce que nous vivons.

Marie-Hélène Boucand, 10 janvier 2024

Par Marie-Hélène Boucand. Médecin, docteur en philosophie, elle-même atteinte d’une maladie génétique rare. Dernier ouvrage paru, Traverser l’épreuve de la maladie, éd. Fidélité, 2022. Elle y déroule l’attention à ce que nous percevons, l’attention au corps qui se met à « parler », un travail qui consiste à « traduire » en mots les maux du corps. Pour Ombres & Lumière, elle livre chaque mois sa chronique « A l’ombre d’un mot ».