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Quand le regard des enfants croise le handicap

Au festival Regards croisés, à Saint-Malo. © Guillaume Perret.

Un déplacement du regard, c’est ce que proposait en ouverture le festival Regards Croisés qui vient de s’achever. La séance « Regards d’enfants » a offert à 250 élèves de primaire une sensibilisation fine à toutes les formes de handicap.

Le premier film projeté au festival Regards Croisés de Saint-Malo, ce jeudi 8 novembre, n’entre pas dans la compétition des 46 courts métrages en lice le lendemain. Plongés dans le noir, les élèves malouins de 9 à 10 ans et leurs enseignants découvrent en début de matinée le petit film d’animation Les chaussures de Louis (2020), qui fait entrer avec délicatesse et poésie dans la perception du monde d’un enfant autiste. 

Après le visionnage, les enfants sont invités à débattre avec Paul Éric Laurès, journaliste radio en situation de handicap. Les mains s’agitent, les enfants prennent à tour de rôle le micro et se lèvent. « Est-ce que c’est embêtant d’être handicapé ? » commence Archibald, dix ans. Ses camarades enchaînent les questions : « À quel âge avez-vous eu votre handicap ? Ça fait mal ? Ça fait quoi d’être en fauteuil roulant ? Est-ce que les gens vous regardent bizarrement dans la rue ? » Paul Éric répond à tout avec bonne humeur : « Moi, j’ai un handicap physique puisqu’il me manque une jambe et demie, mais j’ai aussi un petit handicap sensoriel car j’ai besoin de prothèses oculaires qu’on appelle vulgairement lunettes ! »  Il lance aussi avec humour : « C’est génial d’être en fauteuil, sinon je resterai au lit toute la journée. Et puis, ça développe les membres supérieurs ! » ou « Tu sais, avec ou sans handicap, on peut voir le verre à moitié vide ou à moitié plein dans sa vie » et encore : « Je ne vois pas les gens qui me regardent bizarrement, je ne vois que ceux qui me regardent avec sympathie. »   À ses côtés, Domas, dessinateur de BD, appuie ses propos en illustrant chaque échange sur le vif : ici un superman en fauteuil roulant, là un petit bonhomme affublé d’une énorme paire de lunettes. L’attention des enfants, canalisée par les dessins qui résument les échanges, ne faiblit pas et les questions encore moins. Elles tournent à présent autour de l’autisme. Paul Éric montre avec finesse les frontières fluctuantes entre handicap et normalité, la richesse des différences et prend en exemple Rafaël Nadal et ses rituels en début de match : « On a tous nos manies et nos tics », constate-t-il avant de rappeler une phrase du court métrage : « Un moule, c’est bien mais que pour les gaufres ! »

« Je ne vois pas les gens qui me regardent bizarrement, je ne vois que ceux qui me regardent avec sympathie. »

Paul Éric Laurès

Au premier rang, un petit garçon en fauteuil roulant demande la parole et dit lentement son prénom. Un autre se lève : « Bonjour, je suis Hugo, je suis autiste. » Le silence s’installe tout à coup dans la salle, suivi d’une salve d’applaudissements. Quelques minutes plus tard, c’est au tour de Diane d’affirmer avec assurance : « J’ai un frère autiste et je suis en classe ULIS. » L’émotion est palpable. Domas commentera après la séance : « Chaque année, des élèves osent ainsi se définir face à leurs camarades ; ils sentent qu’ils peuvent parler en confiance, que les moqueries ne suivront pas. »  

« Quel est le regard des autres quand quelqu’un a un handicap invisible ? », demande une écolière.  Le dessinateur explique la nécessité de la bienveillance et du pas à faire vers l’autre pour connaître sa réalité et le comprendre. « Vous avez compris, conclut Paul Éric, le handicap, ça arrive à n’importe qui, n’importe où, n’importe quand et n’importe comment. Vous êtes concernés car c’est vous qui allez faire la société de demain. »

Solange du Hamel, 8 novembre 2024

Regards d’enfants 

Nayan : « Mon grand frère est handicapé. C’est plus dur pour lui d’apprendre des choses. Je suis content que les autres l’aient compris aujourd’hui. »

Constantin : « J’ai découvert que souvent, on ne voit pas que les gens ont un handicap et on les met à part. »

Azylis : « C’était bien de dire qu’il y a des handicaps qui ne se voient pas. Moi je suis dyslexique et dysorthographique et j’aimerais bien qu’on en tienne mieux compte ! »

Le film : Les chaussures de Louis 

Le festival : Regards Croisés

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