A l'ombre d'un mot
Réciproque
Réciproque, adj. Du latin reciprocus, qui revient au point de départ. Qui se communique l’un à l’autre, qui marque un échange équivalent entre deux personnes, deux groupes.
A Pâques, Simon de Cyrène fêtait des quinze ans d’existence à Lourdes, dont je reviens.
Nous étions 700 personnes mêlant personnes touchées par le handicap, accompagnants, familles et bénévoles. Cette mosaïque de situations différentes participait d’un même élan, une même joie, une même disponibilité au service. Chacun donnait aux autres. Pour exemple, le lavement des pieds, vécu ensemble par groupe de sept ou de huit : chacun lavait et se faisait laver les pieds par son voisin, valide ou non – quelle importance.
Quelle émotion de retrouver dans ce petit groupe un de mes anciens patients, ainsi que sa mère, après trente ans passés ! Dans ce cadre si particulier où notre foi était révélée, nous avons échangé avec joie, bien au-delà de toutes les mauvaises nouvelles que j’avais annoncées lors des suites de l’accident, dans les années 1990. Ces quatre jours à Lourdes ont été pour moi signe de la force du Ressuscité au-delà des fragilités, des handicaps, de la maladie, des épreuves non choisies, comme l’a été probablement le port de la Croix pour Simon de Cyrène, qui apparaît dans l’Evangile… Cet homme passait juste par-là, et a été réquisitionné pour venir porter aide à Jésus. Nous-mêmes, que faisons-nous de ces épreuves qui s’imposent à nous ? Que faisons de ces épreuves auxquelles notre liberté est seulement celle que nous accordons à notre manière de réagir : rester victime ou choisir d’être un vivant ? La force reçue dont j’ai été témoin durant ces quatre jours est probablement possible car nous étions dans le partage des vécus et la solidarité du service réciproque.
Marie-Hélène Boucand, 9 avril 2024
Par Marie-Hélène Boucand. Médecin, docteur en philosophie, elle-même atteinte d’une maladie génétique rare. Dernier ouvrage paru, Traverser l’épreuve de la maladie, éd. Fidélité, 2022. Elle y déroule l’attention à ce que nous percevons, l’attention au corps qui se met à « parler », un travail qui consiste à « traduire » en mots les maux du corps. Pour Ombres & Lumière, elle livre chaque mois sa chronique « A l’ombre d’un mot ».