Actus

Samuel Abitbol, acteur de la vraie vie

Portrait de Samuel Abitbol
© Marilyne Chaumont.

A l’occasion de la journée mondiale de la Trisomie 21, Ombres & Lumière place son projecteur sur Samuel Allain Abitbol, parrain officiel d’« Ose la rencontre », l’audacieux projet lancé par l’Office chrétien des personnes handicapées à l’occasion de ses 60 ans (1). Le jeune acteur de 25 ans, porteur de trisomie, concilie à merveille l’humour et l’amour de lui-même, et se démène pour faire « changer le regard » sur le handicap.

Debout devant le miroir, le regard droit dans son reflet, Samuel se sourit à lui-même en claquant fort des doigts, un bonnet noir enfoncé jusqu’au bas des sourcils. En ce petit matin fatigué, dans un hôtel parisien, l’acteur ne contemple dans son image rien d’autre que lui-même : ce regard qu’il porte sur lui, c’est un regard confiant, rieur, qui nourrit quotidiennement l’esprit d’enfance et le désir d’accomplir de grands rêves.

De son enfance joyeuse au Gabon, à Libreville, Samuel retient le lien indéfectible créé avec Pascale Ménard, son auxiliaire de vie scolaire. Celle-ci le prenait chaque soir pour l’aider à progresser, et le jeune homme se remémore avec douceur les moments suspendus à la terrasse du Tropicana voisin, certains soirs, avec celle qu’il surnomme encore « mamie ». Elle n’a pas hésité à faire un aller-retour jusqu’en France rien que pour Samuel, pour sa première semaine en 6ème à Aix-en-Provence. Sa scolarité est une lutte, surtout au collège, pour rester dans le circuit ordinaire. Lorsqu’il évoque l’obtention de son baccalauréat il y a cinq ans, il savoure ses mots comme si c’était hier.

Justicier à ses heures, Samuel se remémore ce jour où l’un de ses amis autistes s’est fait renvoyer de l’école pour avoir frappé une camarade de classe : « J’ai témoigné devant la directrice que c’était pas de sa faute à lui, il y avait vraiment trop de bruit dans la classe et cette fille avait crié très fort. J’aime pas qu’on parle mal des gens différents. » La seule fois où le garçon en est venu aux mains, c’était pour faire tomber les lunettes d’un camarade qui l’avait poussé à bout. « Change de regard », semblait-il déjà dire du bout de son poing.

Lever de rideau

Tout petit, Samuel se prédestinait à la scène. Dans sa poussette, il imitait les mimiques des passants. Au CM2, il remportait les rires du public dans une pièce de théâtre, et quelques années plus tard, suivait des stages au cours Florent à Paris. « Quand tu joues un rôle, tu incarnes complètement un personnage : pour moi, c’est ça la vraie vie », exprime Samuel. Il se replace devant le miroir pour entonner Cabrel, puis le couplet d’une chanson d’amour en espagnol. S’il devait jouer son propre personnage, qui serait-il ? « Je serais le charrieur, qui aime appeler les filles princesses, toujours danser, toujours chanter, et être libre ». Pour autant, le jeune homme est loin d’être la cigale insouciante. Sur un plateau de tournage, « c’est un bosseur », disent ses collègues, l’un des rares à arriver avant l’heure et à savoir son texte sur le bout des doigts.

La grande liberté de Samuel, le don léger de lui-même et son exigence pour le travail, c’est ce qui a touché au cœur Stéphanie Pillonca, réalisatrice de J’irai au bout de mes rêves, le film dans lequel l’acteur a tenu le rôle principal l’an dernier. « Samuel se fait un devoir de rendre la vie plus jolie pour ceux qui sont à ses côtés, et c’est une preuve de sa grande générosité », note la réalisatrice. « Quand on croise la route de quelqu’un comme lui, notre existence est enrichie jusqu’à porter beaucoup plus de fruits. Samuel apporte ce supplément d’âme à l’existence. Il a l’élégance du cœur ».

Lever de soleil

Derrière cette joie inépuisée, il y a la fine silhouette de Valérie Abitbol, la mère du jeune parrain. Si l’on demande à Samuel de remonter le fil de son enfance pour en citer un souvenir, c’est l’étreinte de sa maman qui lui revient, comme un fragment de tendresse inaltérable. « À la maternité, ma mère m’a toujours dit ‘tu es ma force’ en me serrant dans ses bras », assure Samuel. Il marque une pause. « C’est ma force aussi, ma mère ». Valérie Abitbol reconnaît le lien fusionnel qu’elle nourrit avec son fils, mais n’a jamais cessé de le pousser loin devant. « Quand le gynécologue m’a dit ‘trisomie 21’, je ne savais pas ce que c’était. Samuel a changé tout le cours de mon existence. C’est un soleil, une essence dans ma vie, qui donne de la joie. Et c’est si rare dans ce monde ». Dans la tradition juive dont la famille Abitbol est héritière, le suffixe en -el est lié au nom de Dieu. « Après Samuel, je n’ai pas pu avoir d’autre enfant : j’y ai vu comme un signe de Dieu. »

Samuel passe sa vie entre Barcelone, pour la douceur de vivre, et Paris, pour la cadence plus forte entre plateaux, tournages et enregistrements. Samuel double en ce moment la voix du film américain « Champions », l’histoire d’une équipe de baseball hors case. Il rallie quelquefois Montpellier, pour tourner dans le feuilleton Un si grand soleil.

La vie est belle, même très belle – plus belle qu’aucune autre, sûrement, pour l’acteur qui a figuré dans Plus belle la vie. Samuel n’a qu’une devise : « La vie est trop courte pour être petite ». « On doit réaliser nos rêves, ça me donne de la force, moi, de les accomplir », affirme-t-il. « En tant que parrain d’‘Ose la rencontre’, je peux aider à ça ! S’il y a des personnes handicapées qui veulent simplement voir le soleil se lever en Espagne, qu’ils viennent chez moi, à Barcelone. » Là où le temps s’arrête un peu. Là où le regard prend le soleil, pour le rapporter à ceux qui l’ont oublié. 

Marilyne Chaumont, ombresetlumiere.fr – 20 mars 2023

(1) Oselarencontre.fr est un projet porté par l’OCH pour favoriser la rencontre des jeunes, étudiants ou jeunes professionnels avec des personnes porteuses de handicap en contribuant à réaliser un de leurs rêves.

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