Sur l’Adamant

Récompensé par l’Ours d’Or au festival de Berlin en février dernier, Sur L’Adamant nous fait grimper à bord d’un Centre de jour de Psychiatrie, amarré sur la Seine, auprès de passagers magnifiquement révélés dans l’ordinaire de la maladie. Le documentaire de Nicolas Philibert se révèle une bouffée d’air frais dans un univers qu’on imagine souvent clos sur lui-même : sur cette péniche atypique, chacun embarque sa parole et se découvre une place unique.

Très marqué par le tournage en 1995 de La moindre des choses, à la clinique psychiatrique de La Borde, Nicolas Philibert revient avec une grande authenticité, près de vingt ans plus tard, dans le monde de la psychiatrie. Ce monde, il l’a qualifié, au moment de la promotion du film, de « dérangeant, et j’ose le dire comme ça, très stimulant : il nous donne constamment à réfléchir sur nous-mêmes, sur nos limites, nos failles, sur la marche du monde. La psychiatrie est une loupe, un miroir grossissant qui en dit long sur notre humanité. Pour un cinéaste, c’est un champ inépuisable. » À bord de L’Adamant où il pose ses caméras avec la discrétion de l’observateur aux aguets, qui ne peut rien préméditer, le documentariste se laisser bousculer par l’irruption du réel. À travers les temps d’ateliers thérapeutiques d’art, de musique, de confection de confiture, ou en réunion du matin, il nous immerge au cœur d’une atmosphère aux contours flous, comme l’eau du fleuve, mais rassurants. Chaque passager est filmé au plus près, chaque timbre de voix est porté haut, et l’on croirait souvent de grands acteurs, criants de vérité. Il fait bon d’entendre aussi, sur ce lieu bâti en 2010 où les patients sont issus des quatre premiers arrondissements de Paris, l’expression d’une gratitude autour de la psychiatrie, de l’accompagnement et du soin. Ce documentaire puissant fait vivre aux spectateurs une haute escale en humanité.

Marilyne Chaumont

Un film de Nicolas Philibert. En salles le 19 avril 2023.

© Films du losange.