Restons poly
Thérapie génique, du rêve et des peurs
Cette chronique Restons Poly est originale, car elle prend aujourd’hui la forme d’une conversation entre deux de mes fils, Thibault et Robin, un chercheur américain et moi.
L’un de mes garçons m’envoie un schéma qu’il a trouvé sur la thérapie génique, laquelle permet de remplacer ou d’inhiber le gène malade grâce à un gène médicament.
Thibault : Peut-être un jour pour Marie Océane ?
Moi : Tu as raison. On vient de trouver quelque chose. Je suis en lien avec un chercheur de Caroline du Sud !
Je venais de recevoir en effet un message parlant exactement de la même chose, via un groupe de parents du monde entier, ayant tous un enfant atteint de la même maladie que notre fille. Nous sommes en lien avec un chercheur américain qui travaille sur cette maladie, et telle était la teneur de son message :
Le chercheur : J’ai le plaisir de vous annoncer nous avons récolté suffisamment de fonds, grâce à l’effort de tout le monde, pour nous permettre de lancer le programme Pathways to Hope, qui, sur deux ans, vise à développer des thérapeutiques ciblant spécifiquement le syndrome d’haploinsuffisance MEF2C. On utilisera une technologie de pointe pour accélérer le développement d’au moins une thérapeutique, de la découverte au développement préclinique. Je tiens à vous assurer que les progrès ont été réalisés dans le calendrier et que les résultats ont été positifs jusqu’à présent, mais nous avons encore beaucoup à parcourir…Nous devrions tous être fiers et envisager avec grand optimisme un traitement qui deviendra disponible pour nos enfants dans un avenir pas trop lointain.
Moi, à ce chercheur : Oh mon Dieu, merci, je suis très émue en vous lisant. Mais pour ma fille, c’est trop tard. Je pense aux autres bébés qui naîtront et à leurs parents. Quelle chance alors !
Le chercheur : Un article récent a montré la capacité d’évacuer les symptômes du MHS chez des souris d’un âge équivalent à celui des adolescents humains. Il est possible que tout le monde en profite. Gardez l’espoir.
Moi, à mes enfants : C’est plein d’espoir, mais je n’arrive pas à y croire pour Marie Océane.
Thibault : Je ne sais pas trop jusqu’à quel âge cela fonctionne, mais c’est quand même très prometteur.
Moi : J’ai du mal.
Robin : C’est normal d’avoir du mal : c’est un bel espoir, mais il ne faut pas y attacher non plus trop d’attente. La médecine avance bien, mais lentement. Ça fait toujours plaisir de voir ce type de programme se lancer et avancer quand même.
Moi : Oui, mais Marie Océane, je l’aime comme elle est !
Thibault : Bien sûr, mais tu te rends compte, si elle pouvait ne serait-ce que s’exprimer comme ma fille de 3 ans, ou maîtriser ses gestes suffisamment pour se déplacer en fauteuil roulant ? Ce serait incroyable pour elle.
Moi : Oui, c’est vrai. Je n’ose même pas l’imaginer.
À l’issue de cette conversation, je m’interroge. La recherche en thérapie génique avance à grands pas. Devons-nous nous en réjouir, en avoir peur ? Je ne sais pas trop que penser. J’ai un peu peur, en fait. Je crains de me réjouir, d’y croire, d’être déçue.
Caroline Saillet, ombresetlumiere.fr – 18 juin 2024
Psychomotricienne par vocation, Caroline Saillet a toujours été proche des personnes porteuses de handicap. Mariée à Hubert Saillet, notre ancien chroniqueur, elle est mère de cinq enfants, dont Marie Océane, polyhandicapée. Bricoleuse, créative, un peu hyperactive, elle dévoile des recoins du quotidien et des réflexions sur le polyhandicap en partant de son expérience.