Chroniques
Toujours progresser
Marie Océane est née toute petite, hypotonique – notre fille ne voyait pas et n’arrivait pas à tenir sa tête, qui penchait en arrière.
Depuis toujours, je crois en la plasticité cérébrale. Je me suis accrochée à cette idée à sa naissance en me disant toujours : d’accord, son cerveau est malade, épileptique, elle a une cécité corticale, mais je suis certaine que si on continue à lui proposer des stimulations motrices, visuelles, auditives, sensorielles, il y aura un moment une imprégnation cérébrale. Il y a peut-être un endroit qui pourra fonctionner, garder en mémoire ce qu’on lui apporte. Tout cela, bien sûr, en l’entourant avec tout notre amour.
De fait, Marie Océane a progressé. Un jour, elle a réussi à tenir mieux sa tête, elle a commencé à voir sur le côté. Un jour, elle s’est assise, puis elle s’est déplacée en petit sauts de lapin. Elle s’est inventé des gestes signifiants. Elle sait reconnaitre des musiques, des chansons, à la première note. Elle a progressé, perdu ses acquisitions, retrouvé ses acquisitions, perdu la mastication et la déglutition. Mais elle ne perd jamais courage. Nous sommes admiratifs de tout ce qu’elle fait et de tout ce qu’elle a appris. Mais vu de l’extérieur, je pense que personne ne sait tout cela. Car son gros polyhandicap demeure.
Un jour, je suis tombée sur ce texte : « On peut encore et toujours progresser. Notre cerveau s’use quand on ne s’en sert pas, ou pas assez. Or, la plasticité cérébrale est telle que nous pouvons créer des nouveaux neurones à tout âge. Le cerveau possède la capacité de modifier ses connexions pour faire face à de nouvelles situations. Cette plasticité révèle comment l’apprentissage et la mémoire surviennent, et comment leur déclin peut être stoppé. Le cerveau adulte génère en permanence de nouvelles cellules nerveuses. » Tout cela corroborait vingt-sept ans de travail, d’espoir et de courage avec Marie Océane.
Cet article concernait les adultes, mais il est valable toute notre vie, pour tout enfant qui nait avec une déficience, un handicap. Il ne faut jamais baisser les bras. Il faut y croire.
Dans ma vie de foi, c’est la même chose. Ma progression est faite de succès et de revers, d’épreuves et de joies, de chutes et de victoires. Les uns ne s’opposent pas aux autres, mais tout participe à la marche avec Dieu. En apprenant à tirer des leçons positives de toutes les situations, même des échecs, je progresse.
Marie Océane me donne le courage de continuer malgré les difficultés, marche par marche, au jour le jour.
« Seigneur donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour » : l’amour peut tout.
Caroline Saillet, 12 novembre 2024
Psychomotricienne par vocation, Caroline Saillet a toujours été proche des personnes porteuses de handicap. Mariée à Hubert Saillet, notre ancien chroniqueur, elle est mère de cinq enfants, dont Marie Océane, polyhandicapée. Bricoleuse, créative, un peu hyperactive, elle dévoile des recoins du quotidien et des réflexions sur le polyhandicap en partant de son expérience.