Télévision

Tu ne tueras point

Samuel Le Bihan et Natacha Régnier.
Samuel Le Bihan (Simon Marchand) et Natacha Regnier (Elsa Sainthier) © Groupe France Télévision France 2.

Père d’une jeune adolescente autiste, l’acteur Samuel Le Bihan, qui reçoit aujourd’hui la légion d’honneur en cette journée mondiale de sensibilisation à l’autisme, pointe la défaillance de l’État en matière de handicap. L’avocat qu’il incarne dans le téléfilm Tu ne tueras point adresse à la société un appel au secours vigoureux face au désarroi des familles.

« Le rôle de la justice, ce n’est pas seulement de condamner ou d’innocenter, c’est de comprendre ». Compassion ne veut pas dire excuse, ce sera le cœur du plaidoyer de l’avocat Simon Marchand, dans ce film douloureux, volontairement diffusé le lendemain de la journée mondiale de sensibilisation à l’autisme. L’homme chargé de défendre l’indéfendable – l’infanticide lié au handicap- se dresse en justicier face à l’Etat, accusé de laisser les familles en proie à une violente solitude. Ce téléfilm retrace le procès fictif d’une femme, Elsa Sainthier, ayant noyé dans un fleuve sa fille Clara, porteuse d’un autisme sévère. À plusieurs reprises, maître Marchand martèle que rien ne peut légitimer un tel acte. Il s’attache à décrypter les causes de ce geste, commis par une mère enfermée par la spirale de la solitude face à un accompagnement de sa fille au quotidien, vécu comme une charge de plus en plus lourde.


Si certaines situations sonnent peu justes dans ce film, Samuel Le Bihan s’impose en avocat miné par sa propre fragilité familiale. Son réquisitoire parvient à déplacer le procès : celui-ci devient non plus celui d’un acte isolé, aussi glaçant soit-il, mais de l’abandon de la société d’une partie de ses membres, les plus invisibles et les plus fragiles. « Je ne vous laisserai pas prendre perpétuité sans que rien ne change », promet l’avocat à sa cliente, incarnée par Natacha Régnier. Cette dernière reste murée dans le silence tout au long du réquisitoire, mais on remonte le fil de son histoire, qui diffuse une vision très noire du handicap. Un léger malaise s’installe à l’évocation de l’état de souffrance de la jeune Clara, qui aurait été si mal qu’elle aurait peut-être désiré elle-même en finir, sans pouvoir l’exprimer. Cette idée suppose une éventuelle légitimation de l’euthanasie, mais les appels à la dignité de la personne persistent au-dessus de ce flou malvenu. « Si c’était vivre en dehors de toute dignité qui est contre nature ? », clame l’avocat suspendu au verdict. Il reste à espérer que ce film, qui a le mérite de sensibiliser à l’extrême au sort des familles éclatées par le handicap, suscite une action proportionnée en faveur de la dignité de tous, même des plus abîmés.


Marilyne Chaumont, ombresetlumiere.fr – 02 avril 2024

Tu ne Tueras point, France 2, mercredi 3 avril, à 21h10, puis sur france.tv

Partager