Un pas de biais

Un carême à cœur ouvert

le tombeau du Christ.
© Adobe stock.

Cette année, le temps du Carême me remplit d’une joie profonde. Je le prends comme un temps pour guérir. Je me remets entre les mains de Dieu avec mes plaies béantes mais aussi avec mes défauts de fabrication et mes souffrances cachées.

Je suis soulagée de pouvoir le faire. J’ai confiance dans celui qui est le meilleur des chirurgiens : capable d’une prise en charge globale, car aimante, de chacun de ses patients.

J’ai longtemps prié, et je prie encore, pour être guérie de mon handicap. Non sans lutte. Parfois, j’ai l’impression de jouer avec le feu : et si vraiment j’étais guérie, qu’adviendrait-il ? J’ai peur de l’après. Ou alors, je pense aux autres malades et je me trouve égoïste. Je me dis qu’il faut mieux prier pour ceux qui sont plus jeunes, plus atteints, ou dont les symptômes correspondent davantage à ceux d’un handicap ou d’une maladie présents dans l’Evangile : cécité, surdité… Enfin, je me redis ce que l’on m’a si souvent et si malheureusement répété : « C’est la guérison du cœur qui compte »…

En ce début de Carême, je réalise que, dans mon rapport à Dieu, mon handicap me met dans un incroyable mouvement. Tantôt, ma volonté est tendue comme un arc : je veux guérir, je fais tout pour, je vais arriver à convaincre le Ciel ! Tantôt, surtout dans les moments de fatigue, quand ma solidité psychologique vacille, je me sens comme un puits : je ne peux plus rien, je reçois seulement. Alors mon corps attend intensément la Résurrection et dans cet abandon, c’est comme si je vivais une opération à cœur ouvert.

J’aime alors à constater combien mon corps et mon esprit sont liés. Je n’ai plus de scrupule à demander la guérison de mon corps, car c’est cette demande même qui met mon esprit en mouvement.

Corps et âme, dans l’élan ou dans l’abandon, je suis sûre d’une chose : c’est qu’à Jésus, je peux tout dire, tout demander. Ce temps de Carême rendra lumineux et féconds nos désirs, quelle que soit leur violence, quelle que soit leur maladresse ou même leur timidité, pourvu qu’ils soient tournés vers le cœur de Dieu.

Cécile Gandon, ombresetlumiere.fr – 22 février 2021

Porteuse d’un handicap moteur, Cécile Gandon travaille dans l’associatif. Elle est l’auteur de « Timéo et sa drôle de famille » (Téqui).

Partager