Une vie de papa
Un miracle ?
À la fin de la messe, le dimanche de l’Épiphanie, un homme assis, juste derrière nous, m’adresse la parole et me déclare : « J’ai prié pour qu’un miracle se produise pour votre fille. » Roxelane est assise juste à côté de moi, cet homme a eu largement le temps de l’observer tout le long de la célébration.
Un peu déstabilisé par l’inattendu de ses paroles, je l’ai tout d’abord remercié. Mal à l’aise en mon for intérieur – ma foi protestante ne se reconnaît pas dans l’attente du miracle – j’ai voulu avant tout accueillir ce témoignage spontané avec joie, au-delà des arguties théologiques. « Je ne sais pas s’il faut attendre un miracle, lui ai-je répondu. En tout cas, ma fille nous livre chaque jour une multitude de petits miracles que nous savourons ».
Depuis trois mois en effet, Roxelane va mieux. Elle parle à nouveau. Elle s’est remise à nous poser des questions. Elle partage ses souhaits ou ses refus. Comme elle ne prenait quasiment plus la parole depuis de nombreux mois, depuis deux ans en réalité, une part de moi avait perdu espoir : les choses ne seraient plus comme avant. L’arrivée imprévue de ses premières phrases en novembre nous a tous pris par surprise. Après quelques semaines de propos confus et peu intelligibles, ses expressions se sont mises à gagner en clarté et en pertinence au fil des jours, nous procurant une série de petits moments d’émerveillement à chaque fois.
Il m’est difficile d’identifier avec certitude les causes qui ont provoqué ce changement de comportement de Roxelane. Mon analyse personnelle penche plutôt pour une origine médicamenteuse, liée à l’augmentation progressive de la dose qu’elle prend chaque jour depuis un an. Rien n’est sûr toutefois, je crois peut-être trop aux médicaments en ce moment. Je ne peux m’empêcher d’éprouver un certain malaise en considérant l’amélioration de son état comme la résultante des interactions chimiques sur ses neurones. Heureusement, plusieurs personnes de mon entourage m’ont déculpabilisé en me disant peu importe la béquille, si l’enfant va mieux.
Médicament, miracle, hasard, ou autre chose… Dieu sait. Quoi qu’il en soit, quel bonheur de se laisser émerveiller par un « Papa, un câlin », qui arrive sans prévenir. Mes oreilles n’avaient pas entendu ces mots depuis tellement longtemps. Même si je ne crois pas aux miracles, cette fois-là, j’avais bien envie d’y croire !
Guillaume Kaltenbach, ombresetlumiere.fr – 27 janvier 2025
Guillaume Kaltenbach est père de trois enfants dont Roxelane, 15 ans, atteinte de troubles du spectre autistique. De confession protestante, ce chef d’entreprise est impliqué dans différentes initiatives professionnelles et bénévoles visant l’amélioration de l’inclusion des personnes en situation de handicap.